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Un important travail d’analyse a permis d’expliquer en partie pourquoi ce que nous déclarons consommer ou faire ne correspond pas à nos comportements réels. Les méthodes de collecte des informations sont notamment en cause.  

L’action publique a besoin de données fiables pour orienter ses interventions auprès de la population. Les enquêtes auprès du public ont, à ce titre, une importance fondamentale. Toutefois, l’écart entre ce qui est déclaré et le comportement réel des sujets est souvent large. Le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, l’ADEME et FranceAgriMer ont voulu en connaître les raisons.

Quatre prestataires se sont penchés sur la question : le Crédoc, Nutri Psy Consult, Protéines et Deloitte Développement Durable. Il s’agissait de décrire, mesurer et expliquer les décalages entre la déclaration et la réalité des pratiques alimentaires.

Un premier travail d’analyse de la littérature scientifique précise que les décalages peuvent être soit liés aux répondants soit liés aux méthodes de collecte des informations.

Dans le premier cas, le biais peut provenir du niveau de participation aux enquêtes notamment lorsqu’elles requièrent des profils spécifiques de répondants, ou bien de réponses moins spontanées ou précises en raison d’un phénomène d’apprentissage au fil de l’enquête ou d’une lassitude de la part des répondants. C’est ce phénomène de lassitude qui a été observé dans le cas de l’étude INCA2. Le remplissage du carnet alimentaire sur 7jours était de moins en moins rigoureux, conduisant à une réduction quotidienne de 41,3g des apports alimentaires. Au contraire, l’étude INCA 3 qui utilisait trois rappels non consécutifs des consommations des dernières 24 h, ne montrait pas de décroissance dans le temps des apports alimentaires renseignés. Une comparaison qui suggère que le rappel des dernières 24 h doit être privilégié dans les enquêtes.

Les réponses aux enquêtes ponctuelles peuvent aussi être influencées par le contexte durant lequel elles sont réalisées. De même, le répondant se sachant observé peut inconsciemment modifier ses comportements alimentaires habituels ou ses réponses. Des biais d’estimation des quantités consommées (souvent sous-estimées) ou des fréquences de comportements inhabituels (souvent surestimés) sont aussi fréquents. Enfin, les enquêtes d’opinion révèlent aussi des distorsions entre l’opinion émise et les consommations effectives, à l’image d’une étude révélant des achats croissants de viande alors que dans le même temps les communautés véganes communiquent activement. Toutefois, il semble que les messages médiatiques positifs sur l’alimentation soient, eux, corrélés aux achats comme cela a été observé pour l’alimentation biologique et les achats (en décalé de quelques semaine) de certains produits bio (œufs, produits laitiers, fruits et légumes). Plusieurs facteurs pourraient expliquer ces écarts : des contraintes physiques (disponibilité des produits ; emplacement géographique et caractéristiques des lieux d’achat ; temps disponible ; information insuffisante, complexe ou surabondante ; environnement social) et des contraintes psychiques (état immédiat de la personne au moment de la consommation).

Quant aux méthodes d’acquisitions des informations, elles souffrent des limites de nos processus amnésiques lorsqu’il s’agit, par exemple, des relevés alimentaires d’une semaine ou plus, ou de questionnaires de fréquences de consommations. Une étude utilisant des caméras montre, en effet, que des aliments ou boissons sont fréquemment oubliés dans les relevés (en moyenne 2 par jour par individu) et par la plupart des répondants. Il s’agit le plus souvent d’aliments pris hors repas (produits sucrés, biscuits…) ou d’aliments accompagnant les plats (légumes, salade). Pour les auteurs du rapport, une sensibilisation des personnes enquêtées sur ce type d’omission pourrait être entreprise pour les limiter.

Les enquêtes sont aussi parfois centrées sur des types de repas prédéfinis (petit-déjeuner, déjeuner, goûter, dîner) et passent alors à côté des consommations hors de ces catégories. Elles sous-estiment aussi souvent les consommations automatiques (sans attention). Enfin, la façon de recueillir les données — en face à face plutôt qu’en ligne — peut aussi modifier les réponses des sujets qui craindraient de se sentir jugés par l’enquêteur.

Connaître précisément les pratiques quotidiennes des mangeurs s’avère donc être une tâche complexe. Les correctifs méthodologiques à apporter aux procédures actuelles de recueil des données que les auteurs proposent suffiront-elles à s’en approcher au plus près ?

La seule façon scientifique d’évaluer la réalité des apports alimentaires quantitatifs déclarés (en énergie) serait de les comparer aux dépenses énergétiques de l’individu (en poids stable). Mais les méthodes qui le permettent sont incompatibles avec des enquêtes de masse.

C. Costa et B. Guy-Grand « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».

Les écarts entre alimentation déclarée et alimentation réelle: observations et explications — Centre d’études et de prospectives du Ministère de l’agriculture et alimentation/Credoc septembre 2020 : https://agriculture.gouv.fr/les-ecarts-entre-alimentation-declaree-et-alimentation-reelle-observations-et-explications-analyse

Date de publication : 01/02/2021

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