Sommaire

Cette étude propose une synthèse des résultats de l’évolution des consommations suite aux objectifs fixés par le PNNS 3 (Programme National Nutrition Santé 3). Finalement, aucune grande évolution des consommations alimentaires n’a été observée, chez les enfants comme chez les adultes.

L’an passé, Les Cahiers de Nutrition et de diététique rapportait les données de l’étude Esteban concernant l’activité physique et la sédentarité de la population française. Cette année, c’est le volet nutrition qui vient d’être publié. Pour rappel, Esteban a intégré un volet nutritionnel correspondant à la ré-édition de l’Etude Nationale Nutrition Santé (ENNS) réalisée en 2006-2007. Un échantillon national représentatif de 2 834 adultes et 1 279 enfants a été inclus dans l’étude entre 2014 et 2016. Trois rappels des consommations des 24 heures ont été réalisés sur une période de 15 jours. L’occasion donc de comparer les apports alimentaires des adultes et enfants français de 2015 à ceux de 2006.

On aurait pu s’attendre à des évolutions favorables des consommations au vu des efforts fournis pour mettre en place une succession de PNNS. Au contraire, aucune grande évolution des consommations alimentaires n’a été observée, chez les enfants comme chez les adultes. Certains aliments et nutriments sont toujours trop ou pas assez consommés. Pire, certaines consommations défavorables se sont accentuées.

Parmi les nutriments dont la consommation n’a pas évolué figurent les graisses saturées, dont la part est encore trop importante dans la ration. Comme en 2006, seuls 17% des adultes en consomment moins de 36% des apports lipidiques totaux et 16% des enfants ont des apports inférieurs à 37% des lipides totaux. Les objectifs du PNNS 3 concernant les apports lipidiques en général et ceux en acides gras saturés n’ont pas été atteints. Chez les enfants, la consommation de boissons sucrées n’a pas évolué mais reste encore élevée au regard des recommandations : un tiers en boivent plus d’un demi-verre par jour.

Les évolutions des consommations de fruits et légumes, de céréales complètes et de légumineuses sont également décevantes. La proportion d’adultes consommant au moins 5 portions de fruits et légumes par jour n’a globalement pas évolué. Chez les hommes de 55-74 ans, cette proportion a même diminué (de 66 % à 52 %), de même que chez les femmes de 18-39 ans (de 30 % à 22 %). La proportion de petits consommateurs n’a pas connu d’évolution entre 2006 et 2015. Il n’y a pas eu d’évolution de l’effet du niveau de diplôme en dix ans. Si bien qu’en 2015 moins de la moitié des adultes (41%) et moins d’un quart des enfants (23%) consomment au moins 5 fruits et légumes par jour. Là encore, les objectifs du PNNS 3 (2011-2015) visant une augmentation de la consommation des fruits et légumes de sorte que 50% au moins d’adultes et au moins 25% des enfants consomment au moins 5 fruits et légumes par jour, n’a pas été atteint.

Un module explorant les déterminants sociaux de la consommation de fruits et légumes chez les adultes renseigne sur les intentions de consommation futures et le profil sociodémographique des petits consommateurs ayant l’intention de consommer davantage de fruits et légumes. Chez les petits consommateurs de légumes, ni le sexe, ni l’âge, ni le niveau de diplôme n’ont d’influence sur l’intention d’en consommer au moins 2 portions par jour. Le goût des légumes, le contrôle perçu (perception de leur capacité à réaliser un comportement), l’attitude affective (anticipée à l’idée d’adopter un comportement), la norme descriptive (nombre de personne de l’entourage qui atteigne le niveau de consommation) et l’habitude sont des déterminants forts de l’intention d’augmenter sa consommation de fruits et légumes.

De même, les fibres alimentaires sont toujours autant boudées. Seuls 13% des adultes et 2% des enfants en consomment au moins 25g/jour. L’objectif du PNNS 3 de doubler la proportion d’adultes consommant plus de 25g de fibres par jour n’a pas été atteint puisqu’aucune évolution positive n’a  été détectée en dix ans. Pire, chez les enfants, la proportion des enfants consommant plus de 25g de fibres/jour a été réduite d’un facteur deux. 

Plus inquiétant, la consommation de sel, déjà trop importante s’est amplifiée en dix ans : la proportion des très grands consommateurs (hommes et femmes) a augmenté et celle des petits consommateurs (femmes) a diminué. Aujourd’hui, seuls 22% des adultes et 40% des enfants en consomment moins de 6g/jour. Les objectifs du PNNS 3 ne sont pas atteints.

Concernant la répartition des glucides, les deux tiers des enfants présentent encore des apports en sucres simples supérieurs à 12,5% de l’AESA. En dix ans, la situation des garçons s’est particulièrement dégradée cumulant une diminution des apports en glucides complexes et une augmentation des glucides simples issus des produits sucrés.

Au contraire, le poisson et les produits de la pêche sont trop peu consommés (un quart des adultes seulement en consomme deux fois par semaine). Toutefois, en dix ans, la proportion de femmes consommant deux produits de la pêche par semaine a augmenté de 20%. Concernant les enfants, c’est l’inverse, ils sont de moins en moins nombreux à en consommer deux portions par semaine : ils sont passés de un enfant sur deux en 2006 à trois enfants sur quatre en 2015.

Comparée à l’étude ENNS, l’étude Esteban indique que certaines inégalités sociales se sont creusées ces dernières années en raison d’une dégradation des consommations alimentaires chez les moins diplômés (femmes surtout), notamment concernant les apports en produits sucrés. Au contraire, d’autres inégalités semblent s’être estompées mais ceci est le fait de la dégradation des consommations des plus diplômés, notamment concernant les fruits et légumes et les lipides totaux. Les plus diplômés sont cependant encore ceux dont l’alimentation se rapproche le plus des recommandations.

Ces résultats montrent que l’appropriation des recommandations alimentaires est encore et toujours difficile malgré les PNNS successifs. Ils confirment les limites des stratégies fondées sur les connaissances des individus et souligne l’urgence d’agir autrement. Peut-être en augmentant « les compétences et les capacités des individus à améliorer la qualité de leur alimentation (techniques culinaires, préparations équilibrées, rapides et à petit prix, choix alimentaires…) », ou en créant « des environnements qui facilitent les choix favorables à la santé », comme le suggère ce rapport.

  C. Costa  « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».

Équipe de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle (Esen). Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban), 2014-2016. Volet Nutrition. Chapitre Consommations alimentaires. Saint-Maurice : Santé publique France, 2017. 193 p. www.santepubliquefrance.fr  Sept 2018    

Date de publication : 19/03/2019

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