Le Ministère des Sports a sollicité l’Inserm pour mener une étude sur l’impact de l’activité physique sur les maladies chroniques. Objectif : évaluer l’intérêt de pratiquer une activité physique adaptée selon les pathologies pour l’intégrer au parcours de soin.
Face au nombre croissant de français âgés atteints de pathologies chroniques et aux estimations alarmantes pour les années à venir, améliorer la prévention et la prise en charge des maladies chroniques devient une urgence de santé publique. Or, parmi les facteurs de risque impliqués dans l’émergence de ces maladies figure l’inactivité physique. Le Ministère des Sports a donc sollicité l’Inserm pour réaliser un bilan des connaissances scientifiques sur l’impact de l’activité physique sur les maladies chroniques et sa place dans le parcours de soin. Le point sur les principales recommandations de l’expertise collective impliquant 13 chercheurs experts du domaine.
Rappelons que la loi de modernisation du système de santé de 2016 stipule que « dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’une affection de longue durée, le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient ». L’enjeu de cette expertise n’est donc pas de savoir si on doit recommander une activité physique adaptée aux personnes atteintes d’une maladie chronique mais de :
- déterminer les programmes les plus efficaces et adaptés ;
- d’identifier ce qui favorise leur adoption par le patient ;
- de savoir par quels mécanismes l’activité physique agit.
Les pathologies chroniques étudiées dans le rapport sont les plus fréquentes : cardiovasculaires, cancers, diabète, respiratoires chroniques, obésité (en tant que déterminant de maladies chroniques), dépression et schizophrénie.
Près de 1800 articles publiés jusqu’en 2016 sur ce domaine ont été analysés par le groupe d’expert. Après 12 à 18 mois de travaux, le groupe a émis huit recommandations. Dans la première, les experts considèrent que l’activité physique doit être introduite dans le parcours de soin dès le diagnostic de la maladie chronique. Elle doit même être prescrite avant tout traitement médicamenteux dans le cas de dépression légère à modérée, du diabète de type 2, de l’obésité et l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Un minimum de 3 séances par semaine est conseillé avec des activités d’endurance (obésité, asthme, pathologies coronaires) combinées à du renforcement musculaire (diabète de type 2, BPCO, cancers, dépression). D’autres recommandations spécifiques par pathologie sont élaborées par les experts.
La prescription d’activité physique doit s’adapter aux caractéristiques individuelles et médicales des patients. Pour cela, il faut au préalable évaluer leur niveau d’activité physique (entretien et/ou tests simples), suivre l’évolution de leur condition physique et de leur tolérance à l’exercice, ajuster la prescription selon l’individu (environnement, préférences, pathologie) afin d’en favoriser l’observance. Une mission bien complexe pour un seul professionnel de santé !
Le projet de pratique d’activité physique doit s’intégrer à l’ensemble du parcours de soins du patient. Sa prescription devra associer une démarche éducative pour favoriser l’engagement sur le long terme. L’enjeu est que le patient l’intègre dans sa vie quotidienne, ce qui implique de favoriser son autonomie dans une pratique qui a du sens pour lui. La démarche comprendra un bilan éducatif partagé avec le patient (habitudes de vie, besoins, possibilités, envies, freins et leviers, manière dont il souhaite être aidé), des objectifs, les moyens à mobiliser, des bilans de suivis. Pour les plus réfractaires à l’activité physique, les experts préconisent dans un premier temps un cycle éducatif de plusieurs mois en activité physique adaptée encadré par des professionnels.
Les pratiques proposées doivent être efficaces mais aussi ludiques et motivantes. Pour cela, le groupe d’experts recommande de s’appuyer sur une combinaison de stratégies incluant la communication d’informations sur les effets de l’activité physique et les opportunités de pratique, la définition d’objectifs, le suivi et l’anticipation des barrières et freins à la pratique, le soutien social (ou technologique) et le partage d’expériences, la réévaluation cognitive et l’entretien motivationnel.
La question de la formation des médecins à la prescription d’activité physique est posée. Les experts recommandent de l’intégrer à la formation des étudiants en médecine, de la proposer en formation continue aux médecins déjà installés, d’y faire participer des experts de l’activité physique adaptée et de favoriser les échanges entre les différentes professions. De même, les intervenants en activité physique adaptée devront être formés à la connaissance des pathologies chroniques, aux limitations et contre-indications associées, savoir mettre en œuvre un bilan éducatif partagé, adapter les objectifs avec l’évolution de la maladie et savoir donner de l’autonomie au patient.
Enfin, les études sur les conditions à long terme du maintien de la pratique d’activité étant encore trop rares, les experts recommandent de consolider les recherches concernant la faisabilité, le rapport bénéfice—risque, l’adhésion sur le long terme à la pratique d’activité physique et en particulier d’étudier les conditions nécessaires au maintien de la pratique, surtout lors des phases de transition (de l’hôpital au centre de soin de suite et de réadaptation, du centre à la médecine de ville, de la médecine de ville au domicile) et d’étudier les dispositifs d’intervention.
Des données manquent aussi sur les modalités de l’intégration de l’activité physique dans le parcours de soins, sur la motivation et l’observance à long terme, sur l’intérêt des outils technologiques, sur l’accessibilité à cette offre de soin pour les personnes avec pathologies chroniques, sur les mécanismes d’action de l’activité physique par pathologie et sur ses effets synergiques avec l’alimentation.
On peut s’étonner que la réduction de la sédentarité aux effets indépendants de ceux de l’activité physique ne soit pas mentionnée : plus elle est importante plus le besoin d’activité physique augmente.
Ce vaste programme d’action, bien conçu et complet, semble tout à fait justifié et bienvenu. Il témoigne, enfin, de la prise en compte de l’activité physique comme élé- ment important du soin. Il semble cependant que les moyens nécessaires manqueront longtemps pour une mise en place complète. Si ce plan permettait à l’ensemble du corps médical de réaliser que seules ont des chances d’être efficaces les prescriptions personnalisées — conseils alimen- taires et activité physique — tenant compte des conditions spécifiques de chaque patient, un progrès certain serait obtenu.
C. Costa « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».
Activité physique, prévention et traitement des maladies chroniques. Une expertise collective de l’Inserm. 14 février 2019. http://www.inserm.fr/
Date de publication : 21/05/2019
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