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Les enfants de milieux modestes consomment-ils les mêmes portions que ceux des milieux favorisés ? Notre perception de la taille des portions peut-elle être biaisée ? Comment inciter à choisir la portion adaptée ? Ce sont à ces questions qu’ont répondu des experts de la consommation, des neurosciences et du marketing à l’occasion d’un colloque intitulé « Taille des portions et équilibre alimentaire ».

Le Fond français pour l’Alimentation et la Santé a organisé, le 9 octobre 2020, en visioconférence un colloque sur « taille des portions et équilibre alimentaire ». Il s’agissait de faire le point sur les connaissances scientifiques relatives à l’influence de la taille des portions sur les quantités ingérées, un élément majeur de l’équilibre alimentaire. Plusieurs questions se posent en effet : Existe-t-il des biais de perception de la taille des portions ? Comment inciter à choisir la portion adaptée ? Quelles sont les portions idéales ?

Parmi les experts invités à intervenir sur ces sujets, Pascale Hebel (CREDOC) a fourni des éléments sur la taille des portions consommées par les enfants selon le revenu du foyer parental. Pour cela, les données de l’enquête CCAF ont été utilisées (2013/2016 - carnets alimentaires sur 7 jours) incluant 1354 enfants de 3 à 17 ans. L’enquête de 2016 montre que si la prévalence de l’obésité chez les enfants semble globalement se stabiliser, il reste 5 fois plus d’enfants obèses (3/14 ans) chez les plus modestes par rapport aux plus riches. Et pourtant, le niveau d’énergie consommée par les enfants ne semble pas différent. D’où l’idée de s’intéresser à la question de la taille des portions. Leur analyse pour 38 groupes d’aliments consommés par les enfants révèle qu’il existe bien une différence de taille de portion suivant le niveau de diplôme du chef de famille. Des tailles de portion plus importantes sont notées chez les enfants des moins diplômés pour les biscuits sucrés (39g/jour consommés par les 7-14 ans des foyers ayant moins du Bac versus 30 g/jour chez les Bac +2 ou +3), les charcuteries (74 g/jour versus 55 g/jour), les jus et nectars (200 ml/j versus 167 ml/j), les plats composés (188 g/j versus 168 g/j) et les sandwiches (151 g/j versus 115 g/j). Cet écart est aussi vrai sur la portion de légumes qui passe de 90 g/j chez les moins diplômés à 74 g/j chez les Bac + 3 ou plus. À l’inverse, la consommation d’abats et d’œufs est plus importante dans les familles diplômées. Pour Pascale Hébel ces données sont à rapprocher du constat de la chute de la diversité des aliments consommés dans les familles modestes. Elle en déduit que les enfants vivant dans des foyers peu diplômés ne consomment pas plus d’énergie mais ont une diversité alimentaire nettement plus faible compensée par des tailles de portions plus élevées en certains groupes d’aliments.

Olivia Petit (Kedge Business School), spécialisée en neurosciences appliquées au marketing est intervenue sur les régulateurs de la portion consommée. Elle explique que le plaisir sensoriel est un élément très important dans la régulation de la consommation. « Il est d’ailleurs sur-régulé chez les sujets obèses car le système de régulation lié au plaisir et à sa diminution au cours de la consommation n’est pas fonctionnel ». Olivia Petit a présenté quatre de ses travaux dans lesquelles elle a demandé à des participants de s’imaginer en train de consommer des aliments et de réfléchir aux sensations éprouvées (imagerie mentale). Au fil de ses expérimentations, elle confirme que l’imagerie mentale et le plaisir sensoriel sont intimement liés au point de pouvoir réactiver, à partir de l’image d’un aliment déjà consommé, les aires cérébrales stimulées pendant la consommation. Ces travaux lui permettent aussi d’affirmer que la simulation de l’expérience sensorielle de consommation permet de réduire la quantité de nourriture consommée, mais que ceci fonctionne mal chez les sujets qui parviennent mal à imaginer l’expérience sensorielle.

Dans des expérimentations où elle utilise des contenants de petite ou de grande taille pour créer l’illusion visuelle de portions différentes, elle constate que les participants exposés à l’illusion d’une plus grande portion (petit contenant) ont tendance à se servir des portions plus petites tandis que face à l’illusion d’une petite portion (même quantité servie dans un grand contenant), ils se servent et consommaient davantage. De ses derniers travaux qui portaient sur l’anticipation mentale du gaspillage alimentaire selon la taille du packaging, elle conclut que lorsque le consommateur est invité à anticiper le gaspillage alimentaire, il a tendance à choisir des portions plus petites et à être moins sensible aux packs promotionnels. Elle fait ainsi l’hypothèse qu’en aidant les individus à imaginer le plaisir sensoriel de consommer une portion ou à anticiper le gaspillage alimentaire, on pourrait les aider à choisir des aliments plus sains, en plus petites portions et agir ainsi sur la quantité de nourriture consommée.

Pierre Chandon (INSEAD) a poursuivi la réflexion sur les portions sous l’angle du contenant. Aujourd’hui, il existe une profusion de taille des portions pour une même catégorie de produit, qui créé la confusion sur ce que devrait être une portion « normale ». La taille des portions offerte à la vente a aussi beaucoup augmenté avec les années et varie d’un pays à l’autre. La portion moyenne s’est déplacée vers une taille supérieure pour une question de marge sur les frais fixes. Or, le consommateur choisit en général la portion dite « moyenne » entre les extrêmes proposés. Se référant à une méta-analyse récente, Pierre Chandon explique que pour réduire la taille de la portion consommée, la solution la plus efficace est d’abord d’agir sur la forme du contenant, d’inciter les individus à pratiquer l’alimentation en pleine conscience et de portionner les aliments. « Il faut, en somme, influencer la perception qu’a le consommateur de la portion », commente-t-il. Ainsi, pour revenir à des quantités plus raisonnables sans que le consommateur ne s’en aperçoive, il est possible de présenter les produits en plusieurs petites portions (carrés de chocolat plutôt que tablette, parts de pizza plutôt que pizza entière) car « plusieurs » portions donnent l’impression d’un grand nombre de portions disponibles : « On compte le nombre de part pour évaluer une quantité ». Exploiter ce processus que l’on appelle le biais de numérosité pourrait permettre de revenir sans contrainte à des portions raisonnables et qui ne seront pas compensées par les autres apports de la journée… Ce qui reste tout de même à vérifier !

Ces données seront-elles utilisées par les fabricants en dehors de toute réglementation sur les portions (seules celles d’alcools sont réglementées) puisque les consommateurs se basent sur les repères fournis par les fabricants pour évaluer les quantités à consommer ?

C. Costa « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».

Taille des portions et équilibre alimentaire — FFAS — Col- loque du 9 octobre 2020. https://www.youtube.com/watch?v=zMOw2xeBVIk

Date de publication : 06/04/2021

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