Augmenter sa consommation de fruits, légumes et légumes secs, et réduire celle de viande, comme le veut le PNNS 4, pourrait bouleverser la filière des viandes animales ainsi que l’équilibre des filières agricoles qui en dépendent, selon le Centre d’Etude et de Prospective du Ministère de l’Agriculture.
Le Centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a réalisé une simulation pour anticiper les impacts possibles du suivi des recommandations du PNNS 4 et notamment la baisse de la consommation de viande sur l’agriculture française. Objectif : identifier les évolutions majeures pour accompagner les filières.
Depuis les années 1990, la consommation totale de viande chute. Entre 2007 et 2016, elle a reculé de 12%, les viandes ovine/caprine (−28%), porcine (−9%) et bovine (−11%) étant les plus touchées. Ces tendances devraient se poursuivre selon le Crédoc (Cf. Actualité du numéro 53(6)).
D’autant que les recommandations alimentaires préconisent une baisse de la consommation de viande.
Les filières de viandes animales doivent se préparer à ces changements. Pour les y aider, le modèle macro-économique de simulation à 5 ans, MAGALI 2 a été utilisé. Il a comparé deux scénarios : celui de l’adoption par l’ensemble de la population française des repères alimentaires du PNNS 4 à un scénario « contre-factuel » poursuivant la tendance actuelle de baisse de consommation des viandes rouges.
Pour rappel, le PNNS 4 conseille d’augmenter la consommation de fruits et légumes pour atteindre au total 500g/personne/j, de manger deux fois par semaine des légumes secs (lentilles, pois chiches, etc.), de réduire la part de la viande dans son alimentation, afin de s’approcher des 500g/personne/semaine, hors volaille. Le scénario « contre- factuel » servant de référence suppose qu’entre 2017 et 2021, la consommation de bœuf poursuivra sa tendance et diminuera de 12% (349g/personne/semaine) tandis que les consommations de porc et de volaille augmenteront respectivement de 2% (soit 486g/p/sem) et 7% (soit 335g/p/sem).
Le modèle MAGALI 2 intègre bien entendu les évolutions de surfaces, prix de vente des productions végétales, rendements et montant des aides sur 5 ans. Il révèle qu’en 2021 (projection à 5 ans), le scénario PNNS 4 pourrait conduire à une diminution de 43,5% de la consommation de viandes de bœuf et de porc, soit une chute d’environ 38% de la consommation globale de viande par rapport au scénario tendanciel de référence. Cette réduction de la consommation aurait pour conséquence une baisse du prix des viandes (de 11% pour la viande bovine, 8% pour l’ovine, 2% pour la porcine et 1% pour la volaille).
Les marges à l’hectare des exploitations mixtes (élevage et fourrage) seraient par conséquent en baisse et 2% des surfaces dédiées aux animaux pourraient être réorientées vers les productions végétales. Cependant, cette réattribution des surfaces ne suffirait pas à compenser les pertes générées par la baisse de la production animale et l’excédent brut d’exploitation global des fermes mixtes subirait un recul de 11%. Il faudrait s’attendre aussi à une diminution des besoins en main-d’œuvre dans ces secteurs.
Les difficultés rencontrées par les fermes mixtes pourraient finalement aboutir à une ré-allocation des surfaces au bénéfice des fermes de cultures de vente (blé, orge, colza…) de l’ordre de 3% et à une augmentation du besoin en main-d’œuvre. Dans ce cas, la création d’emplois, salariés ou non, dans le secteur végétal pourrait compenser les pertes dans le secteur animal.
Des dommages collatéraux sont prévisibles. Ainsi la diminution de l’élevage pourrait s’accompagner d’une baisse des besoins en aliments pour animaux. Et à l’inverse, l’augmentation des surfaces des productions végétales pourrait accroître le besoin en intrants (engrais, produits phytosanitaires…).
Enfin, le recul des productions animales permettrait une diminution des émissions de gaz à effet de serre par rapport à la situation de référence (−4% environ). Cependant, l’augmentation potentielle d’intrants dans la production végétale compenserait cette diminution.
Cette modélisation, qui annonce un véritable bouleversement pour les filières agricoles présente cependant plusieurs limites.
Les auteurs admettent qu’elle ne prend pas en compte le rééquilibrage des régimes alimentaires et notamment la substitution des protéines animales par des protéines végétales. On peut de fait imaginer que les exploitations spécialisées en céréales-oléoprotéagineux seront favorisées et que les besoins en produits de protection des cultures augmenteront.
De même, pour atteindre 500g/j de fruits et légumes comme le recommande le PNNS 4, des surfaces de culture supplémentaires seront nécessaires : 162 000 ha en plus pour les légumes et 101 000 ha en plus pour les fruits, soit une augmentation de 60% des surfaces de ces cultures en France. La culture des fruits et légumes n’étant pas aussi rentable que celle des céréales, il faudra motiver les agriculteurs à s’y convertir par des actions publiques fortes ou sans cela s’attendre à un doublement du prix des fruits et légumes.
Enfin, gardons à l’esprit que cette modélisation ne distingue pas les différentes conduites d’élevage (intensif, extensif…) dont certaines pourraient être moins impactées que d’autres. Elle n’intègre pas non plus la demande croissante de produits carnés par les pays émergents, ce qui pourrait permettre aux producteurs de maintenir leur activité et d’écouler leur production.
Quoi qu’il en soit, la réduction de la consommation de viande, qu’elle soit tendancielle ou liée à l’adoption des recommandations nutritionnelles du PNNS 4 pourrait avoir des impacts importants sur plusieurs filières agricoles et il semble indispensable de s’y préparer.
C. Costa « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».
Quels impacts de la baisse de la consommation de viande sur l’agriculture française ? Simulations avec le modèle MAGALI 2 —– Analyse no 149 —– 14 février 2020 (https://agriculture.gouv.fr/quels-impacts-de-la-baisse-de-la-consommation-de-viande-sur-lagriculture-francaise-simulations-avec).
Date de publication : 22/09/2020
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