Un sujet sur trois est hypertendu, un sur deux suit un traitement et la moitié des hypertendus n’a jamais reçu de conseils hygiéno-diététiques. Un état des lieux en France plutôt inquiétant !
À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’hypertension artérielle (17 mai), le Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire a publié un numéro spécial sur l’épidémiologie de l’hypertension artérielle en France et dans les départements d’outre-mer.
Le BEH nous rappelle que l’hypertension artérielle (HTA) est la maladie chronique la plus fréquente en France. C’est un facteur de risque important, non seulement de maladies cardiovasculaires mais aussi de maladie rénale et de démence. Pour dresser un panorama sur l’HTA, deux enquêtes en population générale (Esteban 2014—2016 et le Baromètre de Santé Publique France 2019), une enquête auprès d’un panel de médecins généralistes et les données du Système national des données de santé ont été utilisées.
Une prévalence élevée et un dépistage insuffisant
En France, l’étude Esteban a mis en évidence que près de 30 % des adultes étaient hypertendus, soit 17 millions d’hypertendus. Des données de prévalence stables depuis l’étude ENNS de 2006 (31 %).
La connaissance, le traitement et le contrôle de l’HTA restent sous-optimaux en France. Malgré les mesures régulières de la pression artérielle, seul un hypertendu sur deux a connaissance de son hypertension et il ne s’agit pas seulement de patients proches du seuil de détection de l’HTA (43 % sont en grade 2 et 35 % en grade 3). Pire, aucune amélioration de la connaissance de l’HTA ni de certains indicateurs n’a été observée dans la population française depuis 2006 (ENNS) malgré la facilité de dépistage de l’HTA et le développement des appareils d’automesure. C’est très en deçà du niveau de connaissance atteint dans les autres pays européens ou nordaméricains où plus de 70 % des hypertendus ont connaissance de leur hypertension.
Ainsi, près de 6 millions d’adultes sont hypertendus sans le savoir en France et plus de 4 millions d’hypertendus traités n’ont pas une pression artérielle contrôlée. Ceci pose la question du déficit du dépistage et de l’information du public sur la maladie.
Un recours trop rare aux mesures hygiéno-diététiques
Neuf adultes ayant connaissance de leur maladie sur dix avait au moins une consultation chez un médecin généraliste par an et 11,4 % chez le cardiologue. En moyenne, les sujets hypertendus avaient 10 consultations par an chez le généraliste. Mais malgré ce recours aux soins, 57 % des patients hypertendus déclaraient ne pas avoir reçu de conseils hygiéno-diététiques au cours de l’année précédente. Dans une étude réalisée auprès des médecins généralistes, moins de la moitié des médecins interrogés se sentait impliquée dans la prévention nutritionnelle de la surcharge pondérale, de la sédentarité et de la consommation d’alcool.
Beaucoup trop de patients non traités ou non contrôlés
De même, moins d’un patient hypertendu sur deux était traité pharmacologiquement (1,6 million d’adultes sous traitement antihypertenseur), ce qui est très inférieur aux taux observés dans d’autres pays européens ou nord-américains. Chez les femmes, la proportion de celles hypertendues et traitées pharmacologiquement a baissé entre 2006 et 2015 tandis qu’elle est restée sable chez les hommes. Comme pour le dépistage, les patients non traités pharmacologiquement sont nombreux à avoir des hypertensions de grade 2 ou 3 (20 %). Et parmi les patients traités, moins d’un sur deux était contrôlé. Au final, la proportion d’hypertendus contrôlés était d’environ un sur quatre.
Autre observation, la proportion importante de patients en monothérapie (60 %), recommandée en première intention (qui devrait laisser place à une bithérapie fixe en cas de non-contrôle), et reposant en grande majorité sous bêta-bloquant alors que la HAS et la Société Française d’hypertension artérielle pointent leur moindre efficacité par rapport aux autres classes d’antihypertenseurs. Quant à l’observance aux traitements pharmacologiques, elle reste faible (40 % seraient observants).
La diététique parmi les pistes d’amélioration
Avec 17 millions d’hypertendus en France, dont plus de 6 millions n’ayant pas connaissance de leur pathologie, et seulement 1 patient sur 4 ayant une PA contrôlée, l’HTA est un enjeu important de santé publique. Parmi les pistes d’amélioration proposées par les auteurs figurent l’amélioration de la prescription et de l’adhésion aux mesures hygiéno-diététiques. Ceci doit passer par la formation des médecins sur l’HTA (et la nutrition) et par la promotion des comportements sains dès le plus jeune âge, notamment une alimentation équilibrée, riche en fruits et légumes, limitée en sel et en alcool et intégrant une activité physique.
DROM : une prévalence élevée et une prévention nutritionnelle à renforcer
La prévalence de l’HTA déclarée était de 31,5 % en Martinique, 29,9 % en Guadeloupe, 22,7 % en Guyane et 20,8 % à La Réunion. Elle était significativement plus élevée chez les femmes que chez les hommes dans chaque DROM. La proportion de patients traités par un médicament antihypertenseur parmi les adultes se déclarant hypertendus ne variait ni en fonction du territoire, ni en fonction du sexe et dépassait les 80 % comme en métropole. Entre 65 % et 73 % des adultes hypertendus déclaraient avoir eu des conseils pour modifier leur mode de vie (régime alimentaire, activité physique, réduction de la consommation d’alcool) dans les DROM contre 58,5 % en métropole. En Guyane 51,5 % des hypertendus possédaient un appareil d’automesure tensionnelle à leur domicile, alors qu’ils étaient 53,8 % à La Réunion et plus de 70 % à la Guadeloupe et la Martinique.
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Activité physique : prévention et traitement des maladies chroniques |
Source : BEH n◦8—Mai 2023 — Épidémiologie de l’hypertension artérielle en France : prévalence élevée et manque de sensibilisation de la population. Valérie Olié et al. https://www.santepubliquefrance.fr/revues/beh/bulletin-epidemiologique-hebdomadaire
C. Costa © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Date de publication : 03/10/2023
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