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L’Observatoire Société et Consommation, qui s’interroge sur les attentes fortes des français à « manger mieux », constate une grande fragmentation des conduites alimentaires. D’après cette étude, les français se répartissent en sept profils de consommateurs.

Après ses enquêtes sur les attentes des français en matière de qualité alimentaire (2016) puis sur leurs éthiques et régimes alimentaires (cf. Actualités du vol 52(6) 2017), l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo) vient de questionner 4000 français sur leurs attentes pour « manger mieux » (nov-dec 2019). L’objectif pour l’ObSoCo et ses partenaires privés est d’anticiper les orientations actuelles et futures du « manger autrement » dans un contexte de fragmentation de la consommation.

Depuis quelques années, la mise en place de nombreux indices et initiatives signent la montée d’une aspiration de plus en plus forte des français à manger mieux et autrement : le succès des applications mobiles d’évaluation de la qualité alimentaire, la promotion du Nutri-Score, la tendance végétarienne/végétalienne… Pour en savoir plus, l’Obsoco a interrogé les sujets sur leur rapport à l’alimentation, leur propension à modifier leurs comportements alimentaires, leur évaluation du rapport qualité-prix, leur définition et reconnaissance de la qualité des produits dans les différents points de vente, ou encore leur confiance dans les acteurs de l’offre.

Les résultats de l’enquête font apparaître une sensibilisation massive aux questions environnementales et écologiques : 83% des français se disent « préoccupés » par ces questions dont 25% très préoccupés. Pour la première fois, cette préoccupation s’inscrit dans leurs comportements de consommation : 62% disent avoir intégré la protection de leur environnement dans leurs comportements (52% très et assez forte intégration).

Les français sont 79% à se dire attentifs aux effets de l’alimentation sur leur santé (dont 19% très attentifs), ce qui génère chez 68% de l’inquiétude quant à ces effets possibles (11% sont très inquiets, 57% plutôt inquiets). Une défiance vis-à-vis des gros acteurs traditionnels mais aussi vis-à-vis du bio industriel est née. Les engagements de la grande distribution et des marques alimentaires en faveur de la qualité et de la transition alimentaires sont massivement mis en doute par plus de 76% des français. Pour eux, seule l’action d’une combinaison d’acteurs (État, organisations professionnelles des producteurs et des industriels, marques, enseignes de la distribution) est susceptible de garantir la qualité des produits alimentaires.

Un sentiment de restriction alimentaire pour des raisons financières est aussi évoqué par 40 % des français. Il est perçu avec plus d’acuité par les foyers à revenus inférieurs à 1500 euros/mois et les familles monoparentales. Les contraintes financières génèrent un arbitrage entre les différentes catégories de produits ou une restriction de l’alimentation : 46% des sujets consomment des aliments moins chers (riz, pâte, œufs, viandes blanches…), 44% évitent les grandes marques, 39% achètent moins d’aliments que souhaité, 27% fréquentent le hard-discount et 23% rognent sur la qualité des produits.

Malgré ce contexte, manger reste tout de même un plaisir pour 74% des sujets et est synonyme de bien-être (50%), santé (21%), convivialité (16%), éthique (11%) et culture (3%).

À la question des critères de qualité d’un produit, les français placent en premier le goût (30%) mais ce critère baisse de 10 points par rapport à 2016 et est de plus en plus concurrencé par la production respectueuse du produit (environnement et rémunération juste), second critère de jugement (24%) qui grimpe de 5 points par rapport à 2016 (davantage pour la viande, les produits laitiers et les produits de la mer). Le fait qu’il soit bon pour la santé ou sans risque est évoqué par 21% et 20% des sujets, respectivement. Le fait qu’il soit produit en France est un autre critère de qualité évoqué par les français mais surtout pour la viande (34%) tandis que le goût et la saveur concernent davantage les produits de la mer et le risque « zéro » les fruits et légumes (pesticides- 76 % s’en préoccupent) et les produits de la mer (métaux lourds- 74 %).

Les français sont plus méfiants vis-à-vis de la qualité des produits, qu’ils estiment n’avoir pas évolué favorablement depuis 2016. Un manque d’information est évoqué, notamment sur la présence éventuelle de substances indésirables dans les fruits et légumes (par 70% des sujets) et le lieu d’abattage des animaux (par 46%). Et ce sentiment de désinformation persiste malgré une présence importante des applications mobiles d’évaluation de qualité dans leur quotidien (36% les utilisent). Ceux qui les utilisent le plus régulièrement (14%, les plus jeunes) sont aussi les plus sensibles à la composition des produits et aux risques alimentaires. Enfin, les français se soucient aussi de l’origine géographique des produits et de leur mode d’acheminement (69%) puis du mode et de la méthode de production (64%). Ils sont 50% à vouloir que l’élevage intensif soit réglementé et 42% à souhaiter l’interdire.

Ces attentes, qui semblent globalement partagées ne doivent pas faire oublier l’hétérogénéité des conduites alimentaires des français. L’enquête de l’ObSoCo montre en effet que 6 français sur 10 (fragilisés désimpliqués et traditionnels privilégiés) restent adeptes du modèle alimentaire standard centré sur la seule valorisation du goût quand 41% sont engagés dans ou en recherche de nouveaux modèles alimentaires.

La typologie des consommateurs est partagée en sept groupes de français répartis en 3 familles :
• les fragilisés (38% des consommateurs) incarnent une catégorie de Français plus pauvre que la moyenne, au budget contraint, en proie aux restrictions alimentaires et minimisant le budget consacré à l’alimentation, mais dont les aspirations et comportements sont très hétérogènes entre (1) les désimpliqués (23%) qui font leurs courses en hard-discount, sont peu inquiets sur la qualité et adeptes du modèle standard ; (2) les défiants (5%) qui rejettent en bloc les acteurs de l’offre traditionnelle et qui se sentent exclus de la qualité ; et (3) les « sans » (10%), inquiets pour leur santé et mus par une logique de préservation d’eux-mêmes à travers des signes de rassurance alimentaire (manger « moins », « sans »…) ;

• les traditionnels regroupent une partie (44%) de la population très à l’aise financièrement, qui a les moyens de la qualité et privilégie le plaisir et le goût avant tout autre considération, qu’elle soit adepte du modèle standard (les traditionnels privilégiés, 36 % des Français) ou engagée dans une démarche progressiste adhérant aux démarches des acteurs de l’offre en faveur de la transition alimentaire (les traditionnels confiants, 8% des répondants) ;

• les engagés représentent une minorité (18%) active de la population engagée dans une démarche militante en quête de nouveaux modèles radicalement différents, du côté de l’éthique du « sain » (les mangeurs « sains », 10% de la population qui portent intérêt à l’incidence santé du produit) ou de la responsabilité (les mangeurs « responsables », 8% qui pensent à l’impact environnemental du produit). Ce groupe est très actif mais pas le plus représentatif de la population. En revanche, leur très fort engagement leur donne une force attractive auprès des fragilisés et des privilégiés.

Ces données montrent que le modèle alimentaire français est pluriel et que les grandes tendances alimentaires annoncées dans les médias sont souvent l’œuvre de minorités non représentatives. La volonté affichée des français de « manger mieux » semble aller dans le bon sens, mais là encore, il s’agit de données déclaratives et non confirmée par des mesures de consommation.

C. Costa « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».

ObSoCo — La fragmentation du modèle alimentaire des français s’amplifie. 6 février 2020. http://www.lobsoco.com    

Date de publication : 20/05/2020

 

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