Introduire durant la 1ère année de vie de nouveaux aliments permettrait de diminuer le risque de développer un asthme et des allergies alimentaires à l’âge de 6 ans.
Diversifier l’alimentation durant la 1ère année de vie permettrait-elle de diminuer le risque allergique à 6 ans ? Pour apporter des éléments de réponse à cette question, des chercheurs se sont penchés sur des données collectées auprès d’enfants issus de l’étude de cohorte européenne PASTURE/EFRAIM qui avait pour objectif d’étudier les facteurs de risque d’atopie. Dans cette étude, les familles rurales étaient séparées en 2 selon le fait qu’elles vivaient ou non dans une ferme. Au total, les données de 856 enfants suivis jusqu’à l’âge de 6 ans ont pu être collectées.
Les mères ont été interrogées durant le 3e trimestre de grossesse et lorsque leur enfant avait 2, 12, 18 et 24 mois, puis à chaque anniversaire jusque l’âge de 6 ans. Différentes questions y étaient abordées : terrain atopique, niveau d’éducation, tabagisme, type d’accouchement, poids du bébé à la naissance, âge gestationnel, sexe du bébé, nombre de frères et sœurs, durée de l’allaitement, diversification alimentaire. Des analyses de sang ont été pratiquées à la naissance (cordon ombilical) et aux âges de 1, 4, 5 et 6 ans. Elles avaient pour objectif d’évaluer l’expression de l’ARNm.
Parmi les données recueillies auprès des 856 enfants, 51,5% vivaient dans une ferme et 53,6% avaient au moins un des deux parents qui était allergique. La diversification alimentaire au cours de la 1ère année de vie était plus importante parmi les enfants issus de parents fermiers. Quand au moins l’un des parents avait un terrain atopique, la diversification alimentaire était moins développée. Aucune association n’a pu être faite entre le score de diversification alimentaire et le sexe, le nombre de frères et sœurs, la durée de l’allaitement maternel, le niveau d’éducation maternelle. La durée de l’allaitement n’était pas non plus associée au développement d’éventuelles allergies.
La prévalence de l’asthme parmi les enfants s’élevait à 8,6% entre 3 et 6 ans, celle de la rhinite allergique à 7,6% et celles des allergies alimentaires à 7,4%. Ces proportions étaient plus élevées chez les enfants dont les deux parents étaient allergiques en comparaison avec ceux dont aucun des parents n’était allergique : 10,7% vs 6,3% pour l’asthme, 11% vs 3,6% pour la rhinite allergique et 10,6% vs 3,7% pour les allergies alimentaires. La sensibilisation à un allergène était présente chez 25,5% des enfants, aux allergènes alimentaires chez 10,7% et aux pneumallergènes chez 22,1%.
Association significative entre diversification alimentaire et asthme
Les chercheurs ont retrouvé une association significative entre la diversification alimentaire avant un an et la survenue d’un asthme, et ce de façon inversement proportionnelle au nombre d’aliments introduits. A chaque nouvel aliment introduit durant la 1ère année de vie, le risque que l’enfant présente un asthme diminuait de 26%. En prenant en référence le score de diversification alimentaire élevée (6 aliments), l’odds ratio (OR) lorsque celle-ci était faible (0-3 aliments) s’élevait à 3,58 (IC95% : 1,47-8,75) et à 2,20 (IC95% : 1,33-3,64) en cas de diversification modérée (4-5 aliments). Cette tendance était maintenue même après l’exclusion des enfants présentant une allergie alimentaire, des râles à l’auscultation ou une dermatite atopique avec un OR de 3,83 (IC95% : 1,02-14,41) en cas de diversification faible et de 1,63 (IC95% : 0,74-3,61) en cas de diversification modérée.
Des résultats similaires ont été retrouvés dans l’allergie alimentaire. Les enfants dont le score de diversification alimentaire était bas voyaient augmenter leur risque de développer une allergie alimentaire jusqu’à l’âge de 6 ans (OR : 4,65, IC95% : 1,86-11,61). Cette association n’était plus significative après l’exclusion des enfants présentant une allergie alimentaire à 1 an.
Concernant la relation entre diversification alimentaire et survenue d’une rhinite allergique, les investigateurs ont montré une tendance similaire, mais non significative, avec un OR de 1,73 (IC95% : 0,58-5,15) en cas de diversification faible et de 1,45 (IC95% : 0,84-2,48) lorsqu’elle était élevée
Quand les aliments introduits étaient étudiés un par un, les chercheurs ont trouvé une forte association inverse entre l’introduction avant 1 an des produits laitiers dans l’alimentation de l’enfant et la survenue d’un asthme (OR : 0,40, IC95% : 0,24-0,64). Le risque d’allergie alimentaire était réduit de moitié si le poisson était introduit la 1ère année (OR : 0,54, IC95% : 0,32-0,91).
Chez les enfants dont le score de diversification alimentaire était bas, le niveau des marqueurs d’anticorps IgE à l’âge de 6 ans était multiplié par 1,8 (IC95% : 1,21-2,70) par rapport aux enfants dont le score était élevé. Une tendance similaire a été retrouvée dans l’analyse de l’expression des gènes impliqués dans le développement des lymphocytes T, comme le Foxp3 (OR : 0,70, IC95% : 0,51-0,96).
Ce qu’il faut retenir
En conclusion, l'étude PASTURE/EFRAIM fournit des informations précieuses sur l'impact de la diversification alimentaire durant la première année de vie sur le développement de l'asthme et des allergies alimentaires chez l'enfant. Les principaux points à retenir sont :
- Importance de la diversification alimentaire précoce : L'introduction de divers aliments durant la première année de vie est associée à une réduction significative du risque de développer de l'asthme et des allergies alimentaires. Pour chaque nouvel aliment introduit, le risque d'asthme diminue de 26%.
- Effet des antécédents familiaux : Les enfants issus de familles avec des antécédents d'allergies, notamment ceux vivant dans des fermes, montrent des tendances différentes en matière de diversification alimentaire. Toutefois, l'influence de ces antécédents sur le développement des allergies reste complexe.
- Rôle spécifique des aliments : Des aliments spécifiques, comme les produits laitiers et le poisson, introduits avant l'âge d'un an, semblent jouer un rôle important. L'introduction précoce de produits laitiers est inversement associée à l'apparition de l'asthme, et celle du poisson réduit de moitié le risque d'allergies alimentaires.
- Marqueurs immunologiques : Des niveaux plus élevés de marqueurs immunologiques, tels que les anticorps IgE, sont observés chez les enfants avec une faible diversification alimentaire. Cela souligne le lien entre la diversité alimentaire et la régulation immunitaire.
- Implications pour la santé publique : Ces résultats suggèrent que des stratégies de diversification alimentaire précoces pourraient être bénéfiques pour prévenir certaines maladies allergiques chez l'enfant.
Sources :
Roduit C et al. Increased food diversity in the first year of life is inversely associated with allergic disease. J Allergy Clin Immunol. 2014 ; 133 (4) : 1056-64.
Date de publication : 03/09/2014
Date de mise à jour : 01/03/2024