La chirurgie bariatrique bouleverse l’équilibre psychique des patients. Nathalie Rigal explique que chez les adolescents, si la perte de poids est vécue comme un soulagement, la préparation à l’opération est vécue comme pénible et des frustrations persistent vis-à-vis de l’habillement, de l’excès de peau et des contraintes alimentaires.
On sait que la chirurgie de l’obésité peut bouleverser l’équilibre psychique des adultes obèses. Mais qu’en est-il des adolescents chez lesquels cette technique se développe ? C’est la question à laquelle Nathalie Rigal consacre actuellement ses travaux de recherche. Elle en a présenté les premiers résultats à l’occasion du Dietecom.
Il existe peu de données sur l’état psychologique des adolescents ayant subi une chirurgie de l’obésité. En revanche, des données chez l’adulte, rassemblées dans une méta-analyse de 27 études, fournissent quelques pistes. Elles indiquent une santé psychologique plus fragile chez les sujets obèses avec notamment des troubles de l’humeur, de l’anxiété, une faible estime de soi ou encore des troubles du comportement alimentaire. Ces difficultés psychologiques sont renforcées par la multiplication des tentatives d’amaigrissement et par l’importance de l’IMC. Et il semble que les candidats à la chirurgie bariatrique présentent davantage de troubles psychiatriques.
La chirurgie bariatrique semble améliorer leur état puisque deux ans après l’intervention, les troubles de l’humeur, du comportement alimentaire et l’anxiété diminuent tandis que l’estime de soi s’améliore. Cependant, une détresse persiste chez les patients qui ont peur de reprendre du poids (vomissements provoqués) ou dont l’envie de manger est trop forte. De même, certains patients qui ont perdu du poids conservent une mauvaise estime de soi, un mécontentement vis-à-vis de leur image corporelle notamment les sujets misant sur un changement de leur vie relationnelle et amoureuse suite à la perte de poids. D’autres retrouvent leurs difficultés psychologiques dès la reprise de poids souvent consécutive à l’arrêt du suivi post-chirurgie.
Les quelques données chez les adolescents obèses indiquent que leur état psychique est proche de celui des adultes obèses. Plus l’adolescent est âgé, plus les difficultés psychologiques s’aggravent, davantage chez les filles et lorsqu’il existe du harcèlement ou une stigmatisation. Les conséquences de la chirurgie de l’obésité chez les adolescents ont été rapportées dans une revue de 12 études (2014). Une nette amélioration de la dépression est rapportée, mais pas de l’anxiété ni des troubles du comportement.
Nathalie Rigal rappelle qu’en France, 495 mineurs ont été opérés entre 2009 et 2013. Pour connaître l’impact de cette chirurgie au moment où l’adolescent construit son identité et est très sensible à son image corporelle, elle a participé à l’étude ChibAdos dont l’objectif est d’évaluer l’ajustement psychologique à la chirurgie bariatrique et identifier en pré-opératoire les critères prédictifs des adolescents à risque psychologique.
L’étude exploratoire auprès de 14 adolescents (15—20 ans) opérés à l’hôpital Trousseau il y a plus ou moins 1 an (IMC moyen : 47—63 kg/m2) rapporte une perte de poids moyenne de 33 kilos après 1 an. Un entretien permettait de connaître le vécu actuel de l’adolescent, ses relations interpersonnelles, sa relation au corps, sa qualité de vie, son comportement alimentaire, sa santé psychique et son ressenti de l’opération.
Il ressort de l’analyse textuelle des réponses des adolescents que la perte de poids est vécue comme impressionnante et améliorant la qualité de vie (activité physique et habillement). Mais il reste chez certains une frustration vis-à-vis de l’habillement et l’excès de peau est difficile à vivre, car il se voit. L’alimentation occupe une place prépondérante dans leurs discours après l’opération. Elle est décrite par des contraintes, douleurs, dégoûts, perte de la sensation de faim et des changements de goûts alimentaires. Le soutien de leur famille est évoqué, l’obésité étant souvent une problématique familiale. En retrait social avant l’opération par peur ou honte, la grande majorité des adolescents dit s’être ouvert aux autres après l’opération. Enfin, la préparation à l’opération a été vécue comme longue et pénible, mais leur semble après coup importante pour gérer la suite.
D’autres résultats suivront. Nathalie Rigal doit encore identifier les verbatims les plus fréquemment associés à certaines caractéristiques de patients (sexe, poids, perte de poids, troubles du comportement…).
Dans un second temps, cette étude exploratoire sera confirmée par un essai contrôlé comparant l’état psychologique des adolescents avant et après chirurgie bariatrique (15 jours avant, 6, 24 et 36 mois après). Les profils des adolescents seront aussi comparés à ceux d’adultes opérés.
C. Costa « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».
Intervention de Nathalie Rigal —– Dietecom 9 et 10 mars 2020. www.dietecom.com.
Date de publication : 30/06/2020
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