Le réseau NACRe a publié un état des lieux sur la relation entre cancer et alimentation, mettant en lumière les facteurs nutritionnels associés à une augmentation ou au contraire une diminution du risque de certains cancers.
Tandis que l’Institut national du cancer publie un état des lieux sur le rôle de la nutrition dans le développement des cancers, le réseau NACRe (Réseau national alimentation cancer recherche) communique auprès du grand public sur le lien entre la surcharge pondérale et le risque de cancer et apporte un éclairage sur les relations entre le soja et le cancer du sein. Le point sur les données à retenir.
Plus de 40% des cancers seraient attribuables à des facteurs de risque évitables dont 16 à 20% seraient dus à l’alimentation déséquilibrée (5,4%), l’inactivité physique (0,9 %), la surcharge pondérale (5,4 %) et la consommation d’alcool (8 %). Si aucun aliment à lui seul ne protège (ni ne guérit !) du cancer, plusieurs facteurs nutritionnels sont associés pour certains à une augmentation, pour d’autres à une diminution du risque de certains cancers.
L’alcool est le second facteur de risque de cancer après le tabac. En 2015, il était responsable de près de 28 000 nouveaux cas de cancer et 16 000 décès. Le cancer du sein est la localisation la plus fréquente. Son risque augmente avec la quantité d’alcool consommée et dès un verre par jour. Suivent le cancer colorectal, ceux de la cavité buccale et du pharynx, du foie et du larynx. La consommation d’alcool a baissé depuis une quarantaine d’années et s’est stabilisée depuis 2010 : 10% déclarent en boire tous les jours en 2017, davantage les hommes (15%) et les 65-75 ans (26%).
La surcharge pondérale (et l’obésité) est le troisième facteur de risque évitable (remarquons que l’obésité est loin d’être toujours « évitable » et qu’elle ne dépend qu’en partie de la nutrition) de cancer. Il est responsable de 18 639 nouveaux cas de cancer en 2015 (quelle précision !). Le cancer du sein et celui colorectal sont les plus fréquemment associés à ce facteur de risque. D’autres localisations sont concernées comme le pharynx, le larynx, la bouche et la prostate au stade avancé. Au total, ce sont 14 cancers qui sont associés à la surcharge pondérale et avec un niveau de preuve élevé. Plusieurs mécanismes pourraient expliquer cette association : l’insulinorésistance consécutive à la surcharge, la production d’IGF-1 résultant de l’hyperinsulinémie chronique, l’état inflammatoire chronique associée à l’obésité, la sécrétion de facteurs proinflammatoires ou encore l’augmentation des taux d’œstrogènes d’origine adipocytaire (dans le cas du cancer du sein). En France, la prévalence du surpoids était de 37% chez les hommes et 27% chez les femmes et celle de l’obésité de 17% dans les deux sexes (Esteban, 2015).
Les viandes rouges et les charcuteries sont, quant à elles, associées à une augmentation du risque de cancer colorectal (probable pour les viandes rouges, convaincante pour les charcuteries). La consommation de viande rouge (plus de 300g par semaine) et de charcuteries contribuerait à près de 5 600 nouveaux cas de cancer colorectal en 2015. Les mécanismes supposés sont la production de composés N-nitrosés cancérigènes, la production de radicaux libres et de cytokines pro-inflammatoires liés à un excès de fer héminique, la production d’amines hétérocycliques (AHC) ou d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) liée à la cuisson à forte température. En France, en 2015 plus de 40% des hommes et 25% des femmes consommeraient de la viande rouge au-delà des repères nutritionnels (500g/semaine). Des chiffres revus à la baisse les années suivantes. De même, sept hommes sur dix et une femme sur deux dépasseraient ceux de charcuterie (150g/semaine).
Les compléments alimentaires sont aussi cités comme facteur de risque de cancer notamment les bêtacarotènes à forte dose chez les fumeurs et ex-fumeurs avec le cancer du poumon. Le bêtacarotène augmenterait l’activation des pro-cancérogènes du tabac en molécules cancérogènes.
À l’inverse, trois facteurs « nutritionnels/de comportement » sont associés à une diminution du risque de cancer. Au premier plan figurent les aliments d’origine végétale et riches en fibres (fruits et légumes, légumes secs, produits céréaliers complets). Les céréales complètes sont associées à une diminution du risque de cancer colorectal, et les fruits et légumes à une diminution du risque de cancers aérodigestifs pris dans leur ensemble. Leur action passerait par une réduction de l’insulino-résistance et de l’exposition du côlon aux cancérogènes ou encore la production d’acides gras à chaînes courtes aux propriétés anti-inflammatoires et anti-prolifératives sous l’action du microbiote intestinal. Les microconstituants des végétaux (vitamines, minéraux, flavonoïdes…) pourraient aussi moduler les processus de cancérogenèse. La consommation de fibres par la population française est clairement insuffisante (13% respectent les recommandations de 25g/jour). Quant à un effet spécifique de la consommation de produits bio, l’Institut du cancer précise que les données de l’étude NutriNet-Santé (2018) doivent être confirmées et ne prouvent pas de lien de causalité.
Deuxième facteur protecteur : la consommation de produits laitiers. Elle est associée à une diminution du risque de cancer colorectal. Le calcium qu’ils contiennent pourrait avoir un effet protecteur en régulant la production de l’hormone parathyroïde. En 2015, 27% des adultes respectent les dernières recommandations de deux portions de produits laitiers par jour.
Troisième facteur protecteur, l’activité physique. Elle est associée à une diminution du risque des cancers du côlon, du sein et de l’endomètre. Les principaux mécanismes pouvant expliquer cet effet bénéfique passeraient par un effet sur les taux circulants de plusieurs hormones et facteurs de croissance, une réduction du temps de transit donc d’exposition du côlon aux cancérogènes d’origine alimentaire et une stimulation de l’immunité. En France, près des deux tiers des adultes atteignent les recommandations en matière d’activité physique (30 minutes par jour), les hommes plus que les femmes. Mais ces niveaux d’activité physique sont trop faibles pour compenser l’élévation de la sédentarité.
Enfin, le cas du soja a fait l’objet d’une communication spéciale du réseau NACRe car sa consommation a fortement augmenté ces dernières années avec le développement des régimes de type végétarien et son utilisation croissante comme ingrédient bon marché. Le soja et les phyto-estrogènes qu’il contient en abondance (réduits par la fermentation mais pas par les procédés industriels), font l’objet à la fois de croyance et de défiance. L’allégation selon laquelle la consommation de soja aurait un effet protecteur vis-à-vis du cancer du sein n’est pas confirmée par les grandes études de cohorte Européennes et Nord-Américaines. Quant aux compléments alimentaires à base de soja, vendus pour réduire les désagréments associés à la ménopause, ils peuvent contenir de grandes quantités d’isoflavones. Une étude française a observé une association entre leur consommation et le risque de cancer du sein non sensible aux hormones ainsi qu’un risque plus élevé chez les femmes avec antécédents familiaux de cancer du sein. Leur prise est donc fortement déconseillée. Les recommandations concernant les aliments au soja sont d’en consommer en petite quantité et pas tous les jours. Il s’agit de ne pas dépasser 1 mg d’isoflavones par kg de poids corporel par jour (soit 60mg/jour pour une personne de 60kg), sachant que 100g de tofu, dessert au soja… apportent entre 10 et 30mg d’isoflavones. Pendant ou après un traitement pour le cancer du sein, les mêmes précautions s’imposent. Enfin, cette communication est l’occasion de rappeler que la consommation d’aliments à base de soja est déconseillée chez les femmes enceintes, les nourrissons et les jeunes enfants.
C. Costa « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».
Fiche repère Institut National du Cancer : « Nutrition et prévention des cancers » — dec 2019 https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-public…
Réseau NACRe - les facteurs nutritionnels en lien avec le cancer https://www6.inrae.fr/nacre/Prevention-primaire/Facteurs-nutritionnels
et Décrypter et comprendre : Soja et cancer du sein https://www6.inrae.fr/nacre/Zoom-sur/decrypter-comprendre-soja-cancer-sein
Date de publication : 06/05/2020
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