Sommaire

Par Nestlé Nutri Pro ®

Les stratégies thérapeutiques des troubles des conduites alimentaires sont adaptées à chaque situation clinique. Elles tiennent compte de la symptomatologie alimentaire prédominante, des restrictions pures, des accès boulimiques avec ou sans vomissements en utilisant d’autres procédés de contrôle du poids, mais aussi du statut somatique et nutritionnel et d’une éventuelle comorbidité psychiatrique(1). En pratique, prise en charge des troubles du comportement alimentaire de ces patients devra donc tenir compte des aspects nutritionnels, environnementaux et psychiques.

Les troubles du comportement alimentaire

Les troubles des conduites alimentaires se traduisent par une perturbation de l'alimentation ou du comportement lié à l'alimentation. On observe alors une modification de la manière de s'alimenter, ou du régime alimentaire, ou bien la mise en place de stratégies pour que les aliments ne soient pas absorbés (par des vomissements par exemple ou la prise d'un laxatif). On parlera de trouble si ce comportement alimentaire est suivi sur une certaine période, et qu’il nuit à la santé psychique ou physiologique du patient. 

Les TCA comprennent six comportements alimentaires principaux(2)

  • L'anorexie mentale : elle se caractérise par une incessante recherche de perte de poids avec une perception déformée de son corps, une peur extrême de l'obésité, et donc une importante restriction alimentaire.
  • Le trouble d'évitement / de restriction de la consommation alimentaire : il se traduit par un évitement systématique de certains aliments sans avoir d'enjeu de poids ou de silhouette. Ce trouble se retrouve souvent chez les patients atteints d'anorexie mentale.
  • L'hyperphagie boulimique, il consiste à ingurgiter une quantité de nourriture anormale (par rapport à celle que pourraient consommer d'autres personnes dans un contexte similaire), accompagnée d'un sentiment de perte de contrôle pendant et après la frénésie alimentaire. Dans ce cas, les patients ne présentent pas de conduite d'élimination ou de compensation de ces prises alimentaires excessives.
  • La boulimie mentale, elle se caractérise par une consommation rapide d'une importante quantité de nourriture, suivie d'une tentative de compensation à travers des vomissements provoqués, ou la prise de laxatifs.
  • Le pica : il pousse à consommer régulièrement des choses qui ne sont pas des aliments.
  • Le trouble de rumination : il se traduit par la régurgitation d'aliments avalés. 

Ces TCA sont observés plus fréquemment chez les femmes, surtout les plus jeunes, que chez les hommes.

Conduites pratiques face à l’anorexie mentale

La restriction alimentaire, chez un individu en bonne santé initiale, est longtemps compensée par les mécanismes de régulation homéostasique. Il peut donc s'écouler des mois, voire des années, avant que des stigmates cliniques ou biologiques de l'anorexie mentale apparaissent.

La prise en charge des TCA d'anorexie mentale, dont l'objectif principal est la restauration d´un poids normal, dépend d'une coordination pluridisciplinaire :

  • le médecin traitant (le "médiateur", en relation étroite avec l´entourage)
  • le (la) diététicien(ne)
  • le (la) psychiatre
  • le médecin hospitalier (pédiatre, interniste, endocrinologue : en cas de complication).

Aspects nutritionnels et diététiques de la prise en charge(3)

Quels objectifs pour la renutrition ? La renutrition répond à six impératifs principaux(3)(4) :

  • restaurer un état nutritionnel compatible avec la protection du pronostic vital : atteindre et maintenir un poids et un statut nutritionnel adapté pour les adultes et une vitesse de croissance adéquate pour les enfants et adolescents ;
  • permettre aux patients de récupérer une certaine compétence comportementale vis-à-vis de l’alimentation à travers une rééducation nutritionnelle ;
  • obtenir une alimentation spontanée, régulière, diversifiée ;
  • obtenir une attitude détendue et souple face à l’alimentation ;
  • obtenir la réapparition des sensations de faim et de satiété ;
  • éviter les complications potentielles de la renutrition, en cas de dénutrition sévère.

Choisir le poids cible n’est pas simple. Pour la plupart des patients, un arrêt de la perte de poids est d’ailleurs un premier objectif avant d’envisager un gain de poids. L’objectif pondéral doit être discuté avec le patient et déterminé en fonction :

  • de l’âge ;
  • des antécédents pondéraux ;
  • du poids permettant de restaurer les menstruations et l’ovulation pour les femmes.

Dans la phase de reprise de poids, un gain de 1 kg/mois en ambulatoire semble un objectif mesuré et acceptable.

En pratique, il est recommandé de réintroduire ou d’améliorer les repas par étapes, avec précaution, afin d’assurer les apports suffisants(3). Il s’agit de bâtir un programme de diversification alimentaire avec introduction progressive des aliments évités pour aboutir à une alimentation totalement diversifiée(4)

L’établissement de "contrats" (de poids, de visite, de sortie, etc.) avec le patient est une étape décisive. Il évite les attitudes de "manipulations" rencontrées dans ce type de troubles.

Le recours à l’hospitalisation

L’hospitalisation à temps plein peut être indiquée pour les patients atteints d'anorexie mentale en cas(3) :

  • d’urgence vitale somatique ou psychique : risque suicidaire ou d’auto-agression important
  • d’épuisement ou de crise familiale ;
  • avant que le risque vital ne soit engagé ;
  • en cas d'échec des soins ambulatoires.

La demande peut être formulée par le patient et le médecin adresseur. La durée d'hospitalisation peut être très variable. Elle est surtout déterminée par le poids de sortie décidé lors du contrat thérapeutique. Celui-ci doit être un poids de sécurité vis-à-vis des complications somatiques de court terme(5).

Le traitement hospitalier de l’anorexie mentale vise à corriger les critères de gravité somatiques, pondéraux, nutritionnels, psychologiques et sociaux qui ont justifié l’hospitalisation(3).

Cette prise en charge hospitalière fait généralement l’objet d’une semaine d’observation, puis de la réalisation de contrats successifs de traitement fixant la durée, les objectifs et les moyens du traitement(4).

Une renutrition orale avec reprise d’un régime alimentaire adapté est recommandée. La nutrition entérale se discute en cas de dénutrition extrême mettant en jeu le pronostic vital ou en cas de dénutrition sévère associée à une stagnation pondérale prolongée. Le retour à l'alimentation orale doit se faire le plus rapidement possible.

Suivi du patient en cours de renutrition(3)

En début de renutrition, une surveillance du bilan hydroélectrolytique, dont la phosphorémie, est recommandée pour éviter de potentielles complications cardiovasculaires.

Le patient doit être pesé régulièrement puis de façon hebdomadaire. Une surveillance biologique doit être réalisée à une fréquence variable, liée à l’évolution de l’état du patient.

Le syndrome de renutrition, lié à une correction trop rapide, peut induire une insuffisance respiratoire, voire une décompensation cardiaque. Une surveillance biologique étroite (apports caloriques, variations électrolytiques, rétention hydrique) permet de prévenir ce risque.

Interventions psychologiques(1)

Il est nécessaire de conjuguer autant que possible les approches nutritionnelles à des approches psychologiques. Les objectifs du traitement psychologique des troubles du comportement alimentaire sont individuels et familiaux et visent à :

  • comprendre et coopérer à la réhabilitation physique et nutritionnelle du patient ;
  • comprendre et modifier les attitudes dysfonctionnelles liées au trouble alimentaire pour encourager le gain de poids et tendre vers une alimentation équilibrée ;
  • améliorer les relations sociales et interpersonnelles du patient ;
  • traiter les éventuelles comorbidités psychiatriques.

Le choix de la psychothérapie est fait en fonction du patient, voire de son entourage, de son âge, de sa motivation et du stade d’évolution de la maladie :

  • thérapies de soutien ;
  • psychothérapies psychodynamiques ou d’inspiration analytique ;
  • thérapies comportementales ou cognitivo-comportementales ;
  • thérapies systémiques stratégiques.

Pendant l’hospitalisation, les abords de groupe sont fréquemment utilisés comme complément à la thérapie individuelle.

Pour les sujets jeunes, les parents doivent être associés au suivi psychologique, centré sur l'analyse conflictuelle (personnelle, familiale, sociale) et l'éducation du patient.

Conduites pratiques face à la boulimie

La prise en charge des troubles du comportement alimentaire concernant la boulimie se caractérise par une triple approche :

  • médicale (dépistage et correction d´éventuels troubles métaboliques) ;
  • diététique (réinstauration d´une régularité des apports alimentaires, stabilisation pondérale) ;
  • psychologique (accompagnement et éducation précoces, suivi ± traitement antidépresseur).

Les objectifs de la prise en charge de ce trouble sont d’obtenir(6) :

  • une normalisation du comportement alimentaire ;
  • la reprise de repas normaux à des rythmes normaux ;
  • une diminution des préoccupations obsessionnelles concernant le poids et l’alimentation ;
  • la cessation des comportements à visée amaigrissante.

En premier lieu, la ration calorique doit être estimée d'après les besoins énergétiques de base de chaque individu, puis adaptée selon l'activité physique quotidienne.
Ce n'est que lorsque la régularité des apports est obtenue qu'un véritable programme (plutôt que régime) de perte pondérale peut être lancé. L’obésité est un facteur prédisposant, mais il ne faut pas confondre les deux diagnostics, car nombre d’obèses ont des comportements alimentaires hyperphagiques, mais sans la composante compulsive de la boulimie.

À l’opposé, de nombreux sujets boulimiques ne présentent pas de surcharge pondérale et il est donc, non seulement inutile de mettre en place un régime restrictif, mais encore celui-ci peut être vécu comme une sanction. En effet, la plupart des boulimiques présentent une symptomatologie dépressive. On retrouve un sentiment de culpabilité et d’auto-dépréciation important.
La prise en charge psychologique est donc la pierre angulaire du traitement. Il ne faut pas hésiter à faire appel à des structures spécialisées, d’autant plus qu’il est préférable de séparer le patient de son environnement habituel, surtout s’il s’agit d’enfants ou d’adolescents.

Conduites pratiques face au craving ou au grignotage

Les aliments pour lesquels les besoins ou les envies sont les plus intenses sont les aliments chocolatés pour 40 % des adolescents. Plutôt que supprimer une source de plaisir ayant de véritables vertus anti-stress (et risquer de "craquer" !), il vaut mieux réguler la consommation de chocolat, avec une portion adaptée. Pour près de 30 % des "cravers", ce trouble traduit un besoin physiologique lié le plus souvent à une carence alimentaire. Le besoin impératif de manger est très fréquent chez les personnes qui "sautent" le repas de midi ou prennent un déjeuner trop léger. Les restrictions alimentaires et les régimes amaigrissants sont des facteurs de risque importants. Les féculents permettent de maintenir un statut énergétique suffisant pour tenir jusqu'au repas suffisant. Il est indispensable de consommer, notamment au déjeuner, des féculents (pâtes, riz, pain…). Le traditionnel goûter est salutaire, en particulier pour les adolescents. Il calme la faim et prévient le craving. Le goûter doit être composé de plusieurs aliments et ne pas se résumer à un seul produit surtout s’il s’agit de sucres rapides. L´activité physique régulière a un effet relaxant qui prévient le craving et autorise quelques écarts, sans arrière-pensée !

Le grignotage concerne tous les aliments et le plus souvent des aliments à haute densité énergétique. Malgré le fractionnement de l'aliment ingéré en une fois (une "chips", une cacahuète, un morceau de chocolat, une olive, etc.), l'addition de ces charges énergétiques minimes peut atteindre des niveaux considérables si le grignotage perdure.
Lorsque la consommation régulière des repas (même sans excès) s´y ajoute, l´hyperphagie devient inévitable.

Des conseils hygiéno-diététiques généraux s´appliquent également au grignotage :

  • répartir une ration quotidienne raisonnable sur le plus grand nombre de repas (4 ou 5 au moins). Le fractionnement de la ration alimentaire au cours de la journée réduit l'hyperglycémie post-prandiale, diminue la sécrétion des hormones de régulation et de contre-régulation et améliore le métabolisme des lipides et des glucides ;
  • bien manger le matin : un petit-déjeuner conséquent, pris à horaires réguliers d´un jour sur l´autre contribue à étaler la prise alimentaire au cours de la journée, est associé à une diminution de la consommation impulsive et incontrôlée d´aliments et permet la réduction d'apports résultant de ces accès impulsifs ;
  • ne pas s'adonner à une importante activité de grignotage en fin d'après-midi, ou pendant la préparation des repas ;
  • maintenir une activité physique quotidienne.

À retenir sur la prise en charge des troubles du comportement alimentaire

  • Une prise en charge des TCA multidisciplinaire adaptée à chaque trouble et à chaque patient avec une hospitalisation possible ;
  • Une prise en charge diététique et nutritionnelle qui nécessite également un accompagnement psychologique.
  • Des objectifs principaux de prise en charge basés sur : un retour à un poids normal et une normalisation du comportement face à l’alimentation.

Pour en savoir plus
Nestlé Nutrition Institute et la rubrique eating disorders

Sources
(1)    Léonard T et al. Troubles du comportement alimentaire chez l’adulte. EMC Psychiatrie 2005;2:96-127.
(2)    Attia E., Walsh, B. T., "Présentation des troubles des conduites alimentaires", décembre 2022 https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/troubles-mentaux/troubles-des-con…
(3)    HAS. Recommandations de bonne pratique. L’anorexie mentale : prise en charge. Recommandations. Juin 2010.
(4)    Foulon C. Prise en charge nutritionnelle intégrée de l’anorexie mentale. Nutrition clinique et métabolisme 2007;21:185-189.
(5)    Guy Rubin, A., Prise en charge des troubles du comportement alimentaire en clinique psychiatrique, 2019.
https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2019-1-page-37…;
(6)    Vidailhet M et al. Prise en charge nutritionnelle des troubles du comportement alimentaire chez l’adolescent. Nutrition clinique et métabolisme 2005;19:247-253. 

Autres sources générales :
Haute Autorité de santé, "Boulimie et hyperphagie boulimique", juin 2019 https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-09/boulimie_et_hyperphagie_boulimique_-_recommandations.pdf 
Jeammet Ph. Anorexie et boulimie. Cah Nutr Diét 1989;3:211-217.
Corcos M. et al. Anorexie et boulimie de l’adolescente. Rev Prat 2000;50:489-494.
Huse DM et al. Behavioral disorders affecting food intake : anorexia nervosa, bulimia nervosa and other psychiatric conditions. In Modern Nutrition in Health and Disease, Shils M et al. Lippincott, Williams & Wilkins ed. 1999;93:1513-1519.
Serog P, Borys JM. Le craving, une tendance très ado. Les kilos des ados. Nil éditions 1998;III-1:105-114.
Bellisle F. Grignotage et distribution circadienne de la consommation alimentaire. Cah Nutr Diét 1995;30(6):387-394.

Date de mise à jour : 01/12/2023

S'ABONNER À LA NEWSLETTER

Enrichissez et actualisez vos connaissances sur la Nutrition en vous inscrivant à la Newsletter Nestlé Nutri Pro®.

newsletter