Des sénateurs proposent des pistes pour muscler la réponse des pouvoirs publics à la pandémie de surpoids et d’obésité en France.
Un groupe de sénateurs propose plusieurs stratégies pour muscler la réponse des pouvoirs publics à la pandémie de surpoids et d’obésité en France.
Après un rappel des chiffres de prévalence du surpoids et de l’obésité, de ses déterminants et des facteurs environnementaux défavorables, les auteurs du rapport d’information sur la lutte contre l’obésité jugent la réponse des pouvoirs publics jusqu’à présent insuffisante.
Une prise en charge encore perfectible
Premier grief, la formation des professionnels de premier niveau à la nutrition et au dépistage précoce de l’obésité est insuffisante. La commission souhaite donc que soit rendue la formation spécialisée transversale « Nutrition appliquée » plus accessible aux médecins généralistes. Elle souhaite aussi généraliser les réseaux de prévention de l’obésité pédiatrique (Répop) à toutes les régions (8 régions seule- ment en sont pourvues) et que la prise en charge des soins des sujets obèses par la sécurité sociale soit assouplie en inscrivant l’obésité dans la liste des affections de longue durée.
Une prévention insuffisante
Les mesures du dernier PNNS ne convainquent pas les sénateurs, estimant que les critiques faites aux précédents plans restent d’actualité : foisonnement de mesures, mauvaise articulation avec les autres plans, difficile déclinaison en actions de terrain, peu de mesures de résultats. Une action globale sur les déterminants environnementaux du surpoids leur paraît plus justifiée qu’une responsabilisation des individus.
Éduquer les enfants
Parmi les stratégies envisagées par les sénateurs, l’éducation au goût et à la connaissance des aliments sont essentielles et il revient à l’école de s’en charger. Ils insistent notamment sur l’éducation à la reconnaissance des aliments ultra-transformés et sur l’initiation culinaire.
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Les protéger du marketing
La limitation du marketing alimentaire à destination des enfants a fait partie de nombreuses recommandations sans parvenir à s’imposer. La commission souhaite prendre exemple sur le Chili qui a interdit la publicité alimentaire vers les moins de 14 ans et a rendu obligatoire l’étiquetage sur les produits des dépassements en sel, sucres et graisses.
Informer le consommateur
Le Nutri-Score, lancé en 2017, est bien connu et compris des utilisateurs. Il est affiché sur de nombreux produits et a été adopté en Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Espagne et Suisse. La commission voit en lui un outil utile mais qui reste incomplet pour contribuer significativement à la diminution de la surcharge pondérale. Elle suggère que soit modifié l’algorithme sous-tendant le Nutri-Score en y ajoutant comme critère supplémentaire le degré d’ultra- transformation des aliments.
Soutenir les plus modestes
À l’image du programme Malin, testé entre 2012 et 2017 dans 14 départements français, qui accompagne 80 000 familles en difficulté financière au travers de solutions pratiques et de bons de réduction, la commission suggère d’expérimenter la distribution de chèques alimentaires auprès des ménages les plus précaires.
Former les citoyens
La commission souhaiterait que les messages de prévention sanitaire issus des recommandations du PNNS soient plus précis et adaptés aux spécificités locales. Les campagnes d’information et de marketing social méritent un budget plus élevé. La lutte contre la sédentarité doit mobiliser tous les acteurs y compris les entreprises qui peuvent mettre en place la charte « entreprise active du PNNS ». La mission d’aménagement urbain est rappelée aux collectivités territoriales.
Rendre l’environnement alimentaire plus sain
L’engagement volontaire des industriels à reformuler la composition de leurs produits alimentaires est vivement critiqué par la commission qui recommande de fixer dès à présent et par voie législative et réglementaire les teneurs maximales en acides gras saturés et en sucres et de ne pas attendre un nouvel échec des accords collectifs signés en 2022. Elle précise que la substitution des sucres et des matières grasses par des additifs ne devra pas être possible.
Elle souhaite aussi que la France s’inspire de l’exemple anglais en restreignant les stratégies commerciales les plus offensives (produits déséquilibrés devant les caisses, promotions pour des produits trop gras ou trop sucrés...). À cela s’ajouterait une fiscalité sur les produits alimentaires plus offensive et reprenant les propositions de 2014 d’Yves Daudigny et de Catherine Deroche (Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale) qui gardent à ce jour toute leur pertinence notamment celle de mettre fin à la TVA à 5,5 % sur les produits déséquilibrés. Une taxe progressive appliquée aux aliments ultra-transformés pourrait aussi être envisagée.
La commission voudrait aussi confier aux collectivités territoriales la mission de modifier l’offre alimentaire locale en utilisant les projets alimentaires territoriaux et la restauration scolaire comme leviers. Pour garantir une offre alimentaire équilibrée dans les territoires ultra-marins, la commission recommande que soient fixés par voie législative et réglementaire des seuils maximaux de teneurs en sucres et en matières grasses.
Agir sur l’environnement urbain
Enfin, favoriser les mobilités actives et aménager des espaces réservés et sécurisés pour les piétons font aussi partie des solutions pertinentes dans la lutte contre la sédentarité.
Tout cela est bel et bon, mais depuis le temps qu’on le dit. . .encore faudrait-il être capable de passer à l’acte. Quant à une taxe progressive sur les ultra-transformés, elle nous semble discutable dans la mesure ou la classification NOVA 4 est loin de faire l’unanimité (cf. numéro précédent).
Source : Rapport du Senat : Surpoids et Obésité, l’autre pandémie. 29 juin 2022
http://www.senat.fr/ rap/r21-744/r21-744.html
C. Costa, B. Guy-Grand
© Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Date de publication : 24/01/2023
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