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Nudge et alimentation : Le collectif d’université « Menus of Change University Research Collaborative » a publié une récente étude montrant que les caractéristiques hédoniques des aliments sont un facteur majeur sur le comportement alimentaire des consommateurs. Ainsi, pour augmenter la consommation des légumes, il faudrait axer l’étiquetage des produits sur le goût !

Les aliments « sains » sont généralement proposés en vantant leurs attributs nutritionnels, mettant l’accent sur les bénéfices santé de leur consommation. Pourtant, la recherche sur les comportements alimentaires suggère que le goût, et plus globalement les caractéristiques hédoniques des aliments, sont un facteur de motivation plus fort pour les consommateurs.

D’un point de vue de santé publique, des stratégies sont nécessaires pour augmenter la consommation d’aliments d’origine végétale, comme les légumes. Les campagnes d’information et d’éducation alimentaires n’ont qu’une efficacité limitée, et les différents plans de santé publiques mis en place en Europe comme aux États-Unis n’ont pas réussi à endiguer l’augmentation de l’obésité, surtout outre atlantique.

Le marketing alimentaire, et notamment la dénomination des plats, est un puissant moyen de suggérer une expérience gustative agréable et d’inciter, par des stimulants hédoniques et non rationnels, le choix préférentiel de certains aliments.

Les restaurants universitaires sont des laboratoires vivants idéaux pour étudier l’impact de la dénomination des plats sur les choix alimentaires des étudiants.

Le collectif d’université « Menus of Change University Research Collaborative » a publié récemment une étude[1] menée dans 5 universités américaines comparant l’impact de l’étiquetage de plats végétariens sur les choix alimentaires des étudiants. Cette étude randomisée, contrôlée et préenregistrée, est la première utilisant les campus universitaires pour mesurer les choix alimentaires. Le protocole a été développé en partenariat avec les chefs cuisiniers et opérateurs des universités. Pendant plus de 185 jours, les chercheurs ont observé près de 140 000 choix de 71 plats à base de légumes. Ces derniers étaient intitulés selon 3 conditions : un étiquetage centré sur le goût, un étiquetage centré sur un bénéfice nutritionnel, ou un étiquetage neutre. À titre d’exemple, la même recette de carotte pouvait donc être appelée « Carottes déglacées au citron », « Carottes vitaminées » ou simplement « Carottes ». De la même manière, les choux de Bruxelles étaient appelés « Choux de Bruxelles Fondants Caramélisés à l’huile d’olive », « Choux de Bruxelles riches en fibres », ou simplement « Choux de Bruxelles ».

L’étiquetage centré sur le goût a augmenté de 29% la sélection des plats végétariens par rapport à l’étiquetage nutritionnel, et de 14% par rapport à l’étiquetage neutre. La consommation (en poids), mesurée dans un des 5 campus, a augmenté de 39% par rapport à l’étiquetage nutritionnel. Les chercheurs ont également montré que l’étiquetage centré sur le goût augmentait l’attente d’une expérience sensorielle positive.

Choisir des mots qui véhiculent quelque chose de spécifique sur le goût (en mentionnant des ingrédients comme « ail » ou « gingembre » ou des méthodes de préparation comme « rôti ») et qui rappellent une expérience agréable (des mots comme « rissolé », « authentique » et « maison ») signalent au consommateur que le plat est non seulement savoureux mais aussi excitant, réconfortant ou nostalgique. En d’autres termes, « Carottes déglacées au citron » fonctionne car il met en évidence la saveur et l’expérience positive, tandis que « Carottes absolument géniales » ou « Carottes rôties » sont trop vagues. Enfin, l’étiquetage centré sur le goût fonctionne mieux lorsque les plats sont effectivement de bonne qualité gustative : il ne fonctionne pas avec des plats de légumes basiques ou fades, car le plat ne sera pas à la hauteur des attentes savoureuses définies par l’étiquette.

L’étiquetage axé sur le goût est une stratégie efficace pour augmenter la consommation de légumes et avoir un impact positif sur les comportements alimentaires des étudiants, et on peut imaginer sans peine qu’il serait efficace pour d’autres populations. Les campagnes de santé publique pourraient également s’inspirer de ces travaux et développer des messages centrés sur la culinarité ou le plaisir, notamment dans les lieux de décisions comme les restaurants, cafétérias et magasins alimentaires.

Le laboratoire Mind and Body Lab de Stanford a développé un « Edgy Veggies Toolkit » pour aider les restaurateurs à mettre en place un étiquetage axé sur le goût pour leurs plats végétariens. Cette ressource est disponible en ligne à http://sparqtools.org/edgyveggies, en anglais. Pour toute information complémentaire, n’hésitez pas à contacter l’auteur de ces lignes, co-auteur de la publication.

 1Increasing Vegetable Intake by Emphasizing Tasty and Enjoyable Attributes: A Randomized Controlled Multisite Intervention for Taste-Focused Labeling. Turnwald BP, Bertoldo JD, Perry MA, Policastro P, Timmons M, Bosso C, Connors P, Valgenti RT, Pine L, Challamel G, Gardner CD, Crum AJ. Psychol Sci. 2019 Nov;30(11):1603-1615.

 G. Challamel « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».

 Date de publication : 18/06/2020

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