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A l'occasion du SIAL, trois analystes des tendances marché, Pascale Grelot-Girard (KantarTNS), Xavier Terlet (XTC World Innovation) et Bernard Boutboul (Gira Conseil) ont partagé leurs visions sur les attentes des consommateurs Français et les réponses de l’agroalimentaire et de la restauration.

Le rendez-vous mondial de l’innovation alimentaire, le SIAL, est toujours l’occasion de faire le tour des tendances produits et des attentes consommateurs. Cette année serait, selon les cabinets de prospective, l’année « du goût, du vrai et du sens ». Trois représentants de ces cabinets d’analyse et de conseil, Pascale Grelot-Girard (Kantar TNS), Xavier Terlet (XTC World Innovation) et Bernard Boutboul (Gira Conseil) ont croisé leur regard sur les attentes des consommateurs Français et les réponses proposées par les industriels de l’agroalimentaire et de la restauration.

« En France, le plaisir est une dimension essentielle et structurante de l’alimentation ! », rappelle  Pascale Grelot-Girard Directrice Expertise Market Intelligence,  Kantar TNS. Pour 63% des Français, l’alimentation est avant tout associée au plaisir ; contre 30% qui la considèrent comme une nécessité. En Europe, c’est un des scores les plus élevés ! Autre spécificité française, le bien-manger est aussi associé au plaisir (65%), à la recherche de produits de bonne qualité (66%) ou savoureux (40%). Les attentes des consommateurs en termes de variété (59%) et de partage (45%) s’avèrent également très fortes. Elles expliqueraient l’intérêt très prononcé pour les innovations alimentaires offrant de nouveaux goûts, textures et sensations. « Mais 63% des Français veulent aussi manger  sainement… et 59% de manière équilibrée », souligne Pascale Grelot-Girard. « Nous savons de nos études précédentes que les Français sont un peu plus inquiets que d’autres européens quant à l’impact de leur alimentation sur leur santé. Ainsi, neuf Français sur dix expriment un besoin de transparence à l’égard de l’industrie agro-alimentaire. » Et comme dans la plupart des pays européens, cette attente porte principalement sur la liste et la composition des ingrédients (56%), mais aussi et surtout sur leur origine (61%). Elle note une forte croissance de la proportion de consommateurs qui déclarent regarder souvent la composition nutritionnelle des produits sur les emballages (62%, soit + 7 points par rapport à 2016). De même, l’attention portée aux labels reste très élevée et la demande pour le bio continue de progresser. « Peut-être faut-il y voir une conséquence de la crise de la viande de cheval et d’un manque de clarté en matière d’affichage de l’origine ». Les lieux de fabrication (43%) et les conditions d’élevage (42%) sont les préoccupations qui suivent. Globalement, les Français ont de plus en plus une vision holistique de leur alimentation et affirment leurs convictions, par exemple en réduisant leur consommation de viande, en choisissant des produits plus respectueux du bien-être animal (91% des sujets interrogés) et de l’environnement (90 %). « Les consommateurs semblent très sensibilisés à la réduction du gaspillage alimentaire (jugée comme importante par 94 % d’entre eux) et se considèrent comme premiers acteurs dans ce domaine (66%), devant les grandes surfaces (52%) ou la restauration collective (46%) ou commerciale (45%). « Ils se disent aussi sensibles à une rémunération équitable des agriculteurs, plus que dans tous les autres pays de l’étude » fait remarquer l’experte Kantar TNS. «78 % des Français se déclarent même prêts à payer un peu plus pour mieux valoriser ce travail ! ».

Pour Xavier Terlet, Président-Fondateur du cabinet XTC World Innovation, en France on innove différemment qu’ailleurs. « Il y a moins de produits fonctionnels, avec un bénéfice sur la santé, que dans les pays anglo-saxons, par exemple. En revanche, on trouve beaucoup plus de produits élaborés et gourmands… » Au sujet de la transparence et de l’information du consommateur, il considère que même si la transparence est partout, tout dépend de ce que le fabriquant veut bien communiquer. « Je ne suis pas certain que des initiatives comme le Nutri-Score® nous dispensent d’aller plus loin en matière d’information. L’enjeu passe, à mon avis, par une meilleure éducation du consommateur à la compréhension de l’information. Et puis, il ne faut pas perdre de vue le fait que, demain, c’est le consommateur qui aura le pouvoir de l’information. Grâce à un scan de son smartphone, il pourra savoir si les légumes en rayon contiennent des pesticides, ou connaître le nombre de kilomètres entre le lieu de production et le magasin. Les fabricants devront s’adapter à cette nouvelle donne. » A la question des innovations qui répondent le plus à la quête de sens des consommateurs, Xavier Terlet répond qu’ « elles sont nombreuses et variées, en matière de naturalité ou dans le secteur Bio notamment… dont le chiffre d’affaires a encore explosé en 2017, avec 8 milliards d’Euros de CA en France (contre 7 milliards en 2016). Le développement de l’offre végétale répond au même principe : à la fois “préoccupation santé” et “écologique”. La recherche de sens peut aussi porter sur l’élaboration de produits éco-conçus ou sur des produits meilleurs pour la santé – moins gras, moins sucrés, moins salés. ». Cette quête de sens reste surtout une préoccupation occidentale… même si l’on constate une émergence des discours écologiques et éthiques désormais partout dans le monde. Si l’on veut parler de particularité française, je citerais la lutte contre le gaspillage, et aussi la juste rémunération des professionnels, domaine dans lequel les initiatives restent très timides. »

Dans le domaine de la restauration, Bernard Boutboul, Président de GIRA Conseil, constate que la France a ses particularismes. Notre pays s’est adapté très lentement aux goûts venus d’ailleurs. Les Français ont d’abord adopté la cuisine chinoise il y a un demi-siècle, cuisine qui s’est rapidement installée dans le paysage de la restauration. Puis, les cuisines de pays proches de nos frontières se sont peu à peu fait une place. « Je pense notamment à l’Italie et à l’Espagne ». Aujourd’hui, deux zones géographiques accélèrent leur pénétration du marché : l’Amérique du Sud – avec notamment les cuisines mexicaines et argentines – et l’Asie, avec les cuisines japonaises et thaïlandaises. Mais quelle que soit la tradition culinaire développée par les établissements, le “bien manger” est maintenant de plus en plus mis en avant sur les cartes. Disparition des sauces, explications d’association et d’origines ou de naturalité des ingrédients mises en avant, réduction des quantités au profit de la qualité intrinsèque des matières premières et du goût… Une tendance qui répond évidemment à l’évolution du goût du consommateur. Depuis environ cinq ans, nous constatons que les consommateurs préfèrent manger moins, mais mieux. « Mieux » signifiant, dans leur esprit, “healthy gourmand”. Au-delà du goût, ces consommateurs attendent aussi des professionnels de la restauration des réponses sincères quant aux ingrédients utilisés. Ainsi, la notion de “vrai” se traduit, en restauration, par la fin d’un “marketing paillette” et le début d’un marketing sincère. Les professionnels jouent de plus en plus la carte de la transparence et parlent de leurs produits. Cet effort de transparence se conjugue avec un supplément de sens. Cela passe par le développement de l’offre végétarienne et vegan en France. Le secteur est notamment très attentif à la croissance du flexitarisme (40% des français) de nombreux établissements proposent désormais une offre “veggie” qui s’adresse principalement à ces flexitariens et plus seulement aux végétariens qui ne représentent que 2 % de la population française.  Même McDonald’s propose désormais, en France, une gamme végétarienne pour une image plus saine : un burger tout aussi goûteux selon la marque ! Manger moins de viande ou de poisson, privilégier le végétal… la quête de sens touche en priorité l’assiette.

De l’intention à l’action il y a encore du chemin à faire. On pourrait constater que ces tendances exprimées ne sont encore que peu traduites dans l’ensemble de l’offre alimentaire. Les différentes filières, de la production à la distribution en passant par  transformation, commencent à peine à s’en soucier.

  C. Costa  « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».

SIAL 21-25 octobre 2018. Paris www.sialparis.fr

Date de publication : 22/03/2019

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