Les besoins physiologiques en iode sont accrus chez les femmes enceintes, passant de 150 µg/j à 250 µg/j. 13 études ont été analysées afin d’évaluer les bénéfices et les risques d’une supplémentation en iode pendant la grossesse dans un contexte de carence légère à modérée.
Les besoins physiologiques en iode sont accrus chez les femmes enceintes, passant de 150 µg/j à 250 µg/j. 13 études ont été analysées afin d’évaluer les bénéfices et les risques d’une supplémentation en iode pendant la grossesse dans un contexte de carence légère à modérée.
D’après de récentes études françaises, l’iodurie médiane des femmes enceintes est comprise entre 50 et 100 µg/L, suggérant une carence iodée modérée. Quels facteurs physiologiques expliquent cette augmentation des besoins en iode pendant la grossesse, quelles sont les conséquences d’une carence légère à modérée et quels sont les effets d’une supplémentation en iode pour la mère et l’enfant ?
L’augmentation des besoins en iode s’explique physiologiquement par plusieurs facteurs :
- L’augmentation de la clairance rénale de l’iodure et son transfert placentaire,
- La diminution de la T4L (fraction libre de la T4). Elle est due à l’augmentation des taux circulant de la thyroxine binding globulin sous l’effet des œstrogènes,
- La présence de 40 % de T4 d’origine maternelle dans le sang du cordon fœtal,
- Le manque d’apport en iode provoquée par les régimes alimentaires suivis pour éviter la listériose et la consommation de sel non enrichi en iode (notamment dans les plats cuisinés industriels).
Une carence iodée légère à modérée pendant la grossesse est corrélée de manière significative à de multiples troubles :
- Un goitre gestationnel chez la mère (partiellement régressif après la grossesse),
- Un retard de croissance intra-utérin et un petit poids de naissance,
- Une augmentation de volume de la thyroïde chez le nouveau-né,
- Un retard de développement psycho-intellectuel à 3 ans,
- De bas scores de Quotient Intellectuel verbal à 8 ans,
- Une réduction des compétences scolaires à 9 ans,
- Un trouble du déficit de l’attention et d’hyperactivité.
Ainsi, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) préconise depuis 2005 une supplémentation en iode chez la femme en âge de procréer dans les pays où moins de 90 % des foyers ont accès au sel iodé, ce qui est le cas en France.
Concernant le développement neurologique de l’enfant, l’analyse de deux études est en faveur d’un effet bénéfique de la supplémentation en iode pendant la grossesse. Une troisième étude observationnelle a décrit à l’inverse un effet délétère de cette supplémentation sur le développement psychomoteur à 1 an. Toutefois, la méthodologie employée pour cette dernière disposait de moins bons niveaux de preuve et se basait sur des questionnaires (ayant pu induire des biais de mémoire et un manque de standardisation).
Un essai a montré l’importance de débuter précocement la supplémentation, idéalement avant la conception, comme c’est le cas pour les folates.
Concernant l’effet de la supplémentation en iode sur la fonction thyroïdienne, la majorité des études ont décrit des résultats bénéfiques. Il a été observé une prévention du goitre chez la mère et l’enfant, une correction de l’hypothyroxinémie maternelle et une stabilisation de la TSH.
Ce qu’il faut retenir :
Cette revue de la littérature montre une tendance bénéfique d’une supplémentation systématique en iode chez les femmes en âge de procréer. En effet, des retards de développement psychomoteur et neuro-comportemental de l’enfant pourraient être prévenus par une supplémentation en iode des femmes enceintes. Des mesures de santé publique pourraient être proposées afin d’améliorer le statut iodé de la population française comme la fortification du sel en iode ou un enrichissement de l’iodation des produits de panification (pain, biscottes et viennoiseries).
Patey-Pirra S, Keriel-Gascou M, Borson-Chazot F. Bénéfices et risques d’une supplémentation en iode des femmes enceintes : une revue des études observationnelles et expérimentales en régions de carence iodée légère à modérée. Revue d’épidémiologie et de santé publique 2014;62(1):65-74
Date de publication : 24/10/2016