Le menu végétarien, mis en place péniblement par les communes, ne convainc pas. Les premiers retours sur son coût, sur le gaspillage alimentaire et son succès auprès des élèves sont loin d’être encourageants.
L’expérimentation d’un menu végétarien hebdomadaire en restauration scolaire est-elle satisfaisante ? C’est ce que le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation tente de savoir. Pour apporter une réponse, il a examiné les freins et les leviers à la mise en place du menu végétarien, analysé son impact sur le gaspillage alimentaire, la fréquentation de la cantine, le coût des repas, la diversité et l’équilibre des repas servis ainsi que leur qualité nutritionnelle, pour enfin formuler des propositions quant aux suites à donner à l’expérimentation.
Une mise en place laborieuse
La mise en place du menu végétarien a souffert d’un démarrage difficile en raison de nombreux freins comme la réticence d’une partie de l’opinion publique, l’insuffisante préparation des opérateurs (collectivités territoriales, responsables et gestionnaires d’établissements, chefs cui- siniers), le manque de formation pour la préparation des repas, l’approvisionnement difficiles en végétaux riches en protéines ainsi que le contexte sanitaire contraignant (COVID-19).
Pour autant, la mesure a pu démarrer, favorisée par l’intérêt croissant porté par les élèves et leurs parents à la qualité de l’alimentation, au mode de production et à son impact sur l’environnement. Un effort de sensibilisation et d’accompagnement des opérateurs par les pouvoirs publics a favorisé le succès de l’opération. À ce titre, deux guides pratiques sur le menu végétarien ont été rédigés à leur intention. Sans compter l’implication des associations, groupements professionnels et organismes de formation qui ont produit de nombreuses ressources complémentaires dont des menus et cahiers de recettes. Enfin, les responsables d’établissements et les chefs cuisiniers ont commencé à relever le défi et à se familiariser avec la notion de menu végétal.
Pas encore de données chiffrées
On ne dispose malheureusement pas encore de chiffres exhaustifs et fiables rendant compte avec précision de la réalisation de l’expérience, mais les éléments fournis par diverses associations et l’Enquête sur l’expérimentation du menu végétarien hebdomadaire en restauration scolaire (AMF, 2020) convergent assez clairement pour que l’on considère que la mesure a été assez largement mise en œuvre en 2020-2021. Dans 63 % des collectivités, 71 % des enfants ont un repas végétarien hebdomadaire. Pour autant, la poursuite de l’expérimentation n’est pas encore actée. Plus de la moitié des 35 000 communes concernées ont éprouvé de nombreuses difficultés à mettre en place ce menu végétarien dont certaines ne sont pas surmontées.
Des impacts non connus mais des retours mitigés
L’impact du menu végétarien hebdomadaire en termes de fréquentation, de coût et de gaspillage demeure encore incertain. Les interlocuteurs rencontrés rapportent un effet peu perceptible sur la fréquentation. Certains départements ruraux indiquent que des élèves rapportent leur gamelle de viande le jour du menu végétarien. D’autres notent une fréquentation en hausse ces jours-là, à la faveur des considérations confessionnelles ou environnementales des élèves.
L’impact sur le prix du repas n’a pas non plus pu être déterminé avec précision, mais les retours sont variés allant de l’économie à une augmentation à la fois des coûts (surtout liés à l’achat de produits industriels transformés) et du temps de préparation. Le fait maison semble être plus propice à la réalisation d’économies.
Au sujet du gaspillage, les données qualitatives recueillies sont contradictoires d’un interlocuteur à l’autre : tantôt la viande est davantage l’objet de gaspillage, tantôt ce sont les légumes et les légumineuses, en particulier, notamment quand ils sont servis chauds… L’enquête réalisée par l’AMF montre une augmentation du gaspillage pour 35 % des communes et une diminution pour 18 % d’entre elles. Quant à l’enquête de l’AFDN, elle révèle une augmentation de 5 % dans le primaire et de 42 % dans les collèges. Enfin, l’ADF a observé une augmentation du gaspillage en zone rurale. Néanmoins, l’observation la plus fréquente est un remplissage plus important des poubelles le jour du menu végétarien, avec en plus la présence d’emballages de produits de complément (barres énergétiques…). Toutefois, il semble que le gaspillage soit d’autant plus réduit que les plats sont savoureux, que les portions sont adaptées à l’appétit des convives et que l’expérimentation avance.
Enfin, concernant la diversité et l’équilibre des repas servis, pour une grande majorité des interlocuteurs rencontrés, le repas végétarien hebdomadaire ne présente que des avantages au titre de la diversification des sources de protéines, dès lors que les besoins nutritionnels des enfants sont bien couverts.
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Persévérer et tester des alternatives
Tous s’accordent sur la nécessité de faire des efforts de pédagogie pour mettre en avant les arguments nutritionnels du repas végétarien hebdomadaire auprès des élèves, des parents, des cuisiniers et des personnels de cantine. En revanche, les opinions sont beaucoup plus contrastées quant aux conséquences d’une augmentation de la fréquence du menu végétarien à la cantine. L’avis de l’ANSES est attendu sur ce point en septembre 2021. Enfin, pour certains interlocuteurs, le rééquilibrage alimentaire en faveur des protéines végétales pourrait être obtenu sans forcément recourir à un menu végétarien, mais plutôt en proposant des plats végétariens (versus menu végétarien) ou des plats mixtes enrichis en légumineuses.
Évaluation de l’expérimentation du menu végéta- rien hebdomadaire en restauration collective scolaire. Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. CGAAER — 15/06/2021 — https://agriculture.gouv.fr/evaluation-de-lexperimentation-du-menu-vegetarien-hebdomadaire-en-restauration-collective-scolaire
C. Costa « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».
Date de publication : 31/01/2022
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